
Une piscine à vagues géante est en construction à 50 km de la mer, près de Bordeaux. La pluie suffira à remplir les 20 millions de litres d’eau nécessaires, assurent les fondateurs. Les écologistes dénoncent « une fumisterie ».
Est-il bien raisonnable, dans un monde de plus en plus chaud et de moins en moins sauvage, de construire une usine à vagues à 50 kilomètres de l’océan ? La question déchire des associations de défense de l’environnement et les porteurs d’un projet de surf park à Canéjan, paisible commune de l’agglomération bordelaise.
Doté de deux bassins d’une surface totale de 19 000 mètres carrés, ce surf park pourrait être le premier à ouvrir en France — tous les précédents projets de ce type ayant été annulés en raison de leurs conséquences environnementales. Un autre projet du même type est envisagé à Talmont-Saint-Hilaire, en Vendée. À Canéjan, les travaux de construction de l’Académie de la glisse ont démarré en mai, alors que la justice doit encore se prononcer sur la légalité de son permis de construire. La décision du tribunal administratif de Bordeaux est attendue à l’automne.
Les opposants au projet (Surfrider France, la fédération d’associations Sepanso, le collectif Canéjan en transition…) rêvent de le voir annulé. Ses porteurs, eux, espèrent une ouverture en 2026.
Des « vagues parfaites » pour 250 000 clients par an (...)
Une fois les bassins de 20 000 mètres cubes remplis, les entrepreneurs promettent, en s’appuyant sur les calculs d’un cabinet d’études mandaté par leurs soins, que les pertes liées à l’évaporation pourront être compensées par les seuls apports en pluie. Les associations, elles, estiment que l’entreprise devra nécessairement piocher dans les réserves en eau potable.
Et rappellent le contexte climatique défavorable : « Sans transformation radicale des usages », 88 % du territoire hexagonal pourrait être en situation de tension hydrique en été, selon une récente note du Haut-commissariat à la stratégie et au plan.
« Le parc ne sera jamais autonome en eau » (...)
Un « poumon vert » menacé
Afin de trouver une issue à cette guerre des chiffres, le tribunal administratif de Bordeaux a désigné, à la demande de la mairie de Canéjan, un expert judiciaire. Son rapport d’expertise, publié en mai, conclut que les pertes en eau du surf park auraient dépassé les apports en eau de pluie durant trois années sur onze, sur la période 2014-2024. (...)
Les associations s’inquiètent également pour la rivière l’Eau Bourde, située à une centaine de mètres du futur complexe sportif. Cet écosystème abrite de nombreuses espèces : cistude, loutre d’Europe, anguille européenne, lamproie de Planer… Autant d’êtres qui risquent d’être mis en péril lors des vidanges des bassins, alerte Rémy Petit, du collectif Canéjan en transition. « 20 millions de litres d’eau seront balancés dans un fossé qui mène directement à l’Eau Bourde », dit-il. Cela introduirait selon lui dans le « petit poumon vert » qu’est l’Eau Bourde des produits chimiques : chlore, désinfectants, particules de combinaisons en néoprène, résidus de wax, restes de crèmes solaires…
Un projet jugé « antisocial »
Le constructeur recommande de vidanger ses piscines à vagues tous les deux à trois ans. Rémy Petit craint que cette fréquence augmente si l’eau des bassins tourne au vert à cause du développement d’algues. Ce fut le cas dans un surf park de Bristol utilisant le même système de génération de vagues, à l’été 2022, en raison des températures élevées. (...)
« Seuls les surfeurs privilégiés y auront accès » (...)