
La Maison des coursiers accueille quatre après-midis par semaine des livreurs à vélo dans un local en plein cœur de Paris. Entre deux courses, ces travailleurs précaires, le plus souvent sans-papiers, peuvent se reposer, boire un café chaud ou bénéficier d’une consultation administrative, sociale ou médicale. Reportage.
(...) le lieu est chaleureux : au rez-de-chaussée, des canapés et des fauteuils en velours habillent la pièce. Un espace "cuisine" avec de la vaisselle, deux micro-ondes et des boissons chaudes a été aménagé, et en face, une station pour recharger son téléphone... Le tout sous le regard d’Abou Sangare - cet ancien livreur à vélo sans-papiers primé cette année aux César pour son rôle dans le film L’Histoire de Souleymane - dont une immense affiche du long-métrage trône sur un des murs repeints de graff. L’étage, plus sobre, est destiné aux consultations médicales. (...)
Depuis début mars, c’est ici que s’est installée la Maison des coursiers – après avoir passé plus de trois ans dans le 18e arrondissement de la capitale, boulevard Barbès. Géré par l’association CoopCycle, la fédération de coopératives de livreurs à vélo, et subventionné par la mairie de Paris, le site reçoit quatre après-midis par semaine** des coursiers employés par les plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo.
Chaque jour, trois salariés accueillent entre 20 et 30 personnes, majoritairement originaires d’Afrique de l’Ouest, dont beaucoup sont en situation irrégulière. (...)
"Le pire, c’est d’être dans la rue quand il pleut"
"J’aime bien venir ici, surtout quand il fait froid. On peut se réchauffer, prendre un café, et aller aux toilettes", dit Jean-Paul, concentré à confectionner un petit colis avec des morceaux de carton. Ce sans-papiers ivoirien de 33 ans, en attente de régularisation, travaille dans la livraison depuis son arrivée en France en 2019. "Tant que ça ne sonne pas, on peut discuter", prévient-il, en montrant son téléphone.
Ses journées consistent à attendre dehors, sous les intempéries, une alerte sur son smartphone lui indiquant la prochaine course. (...)
Alors, la Maison des coursiers apporte un peu de répit et de convivialité à ces travailleurs précaires et solitaires. "Je travaille du lundi au vendredi de 11h à 23h, pour 40 euros par jour", souffle Jean-Paul. "C’est très dur et très fatigant, mais je n’ai pas le choix".
Ce lieu ne se résume pas en un endroit calme et réconfortant, il propose aussi divers services aux livreurs. Aujourd’hui, Jean-Paul est venu contester une amende, qu’il juge abusive. L’animatrice du lieu, Solène Delorme, l’aide à rédiger son courrier et le bordereau de la lettre recommandée. "L’administratif, c’est compliqué", sourit le jeune homme.
Un accompagnement large et varié (...)
Des cours de français et d’informatique sont également dispensés dans la structure. (...)
Quand les demandes dépassent leurs compétences, les membres associatifs transmettent les dossiers à des structures spécialisées, des avocats ou des syndicats. (...)
"Des personnes isolées, avec des parcours de vie compliqué" (...)