
Quatre passeurs de migrants, dont deux Calaisiens, ont été condamnés vendredi à des peines allant de dix-huit mois à sept ans de prison par le tribunal de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais. Le réseau s’occupait de faire venir des bateaux d’Allemagne, de recruter des exilés sur les réseaux sociaux ou près des campements, et d’organiser des traversées de la Manche vers le Royaume-Uni.
Elles sont accusées d’appartenir à un vaste réseau de passeurs de migrants vers l’Angleterre. Quatre personnes ont été condamnées en comparution immédiate, vendredi 28 février, par le tribunal de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) à des peines allant de dix-huit mois à sept ans d’emprisonnement pour aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’étrangers en bande organisée.
L’organisation était active dans les secteurs de la Côte d’Opale et du Dunkerquois entre mars 2023 et janvier 2025, a indiqué le procureur Guirec Le Bras, dans un communiqué publié samedi. L’enquête a débuté en janvier 2024 après un signalement, précise le média local Radio 6. L’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) de Coquelles, près de Calais, a mené des investigations en infiltrant notamment des messageries cryptées, comme Snapchat.
"Violences physiques exercées contre les candidats à l’exil par les passeurs"
L’enquête, menée sur plusieurs mois au cours de l’année dernière, a mis en lumière de nombreux allers-retours entre la Côte d’Opale et l’Allemagne pour acquérir du matériel nautique.
Ce matériel était ensuite stocké dans un appartement et un restaurant à Calais. L’établissement, "tenu par l’un des protagonistes du dossier, servait de quartier général et de lieu de rencontre pour les membres du réseau" et les migrants désireux d’atteindre le Royaume-Uni de manière irrégulière, a précisé Guirec Le Bras. Une autre Calaisienne participait également au trafic "pour le stockage et l’acheminement du matériel nautique, en collaboration avec l’une des têtes de réseau". (...)
Les investigations ont aussi permis de mettre en lumière les "violences physiques exercées contre les candidats à l’exil par les passeurs, la présence d’armes pour exercer pression […] et dissuader les migrants de s’exprimer, ainsi que la présence importante de cocaïne au sein du réseau, sous le prisme de la consommation", a détaillé le procureur de Boulogne-sur-Mer.
Les membres de ce réseau recrutaient les exilés via les réseaux sociaux ou près des gares et des campements informels de la région. Ils acheminaient ensuite les migrants vers les plages de départ, avec du matériel venu d’Allemagne, et organisaient la logistique.
En janvier 2025, ces investigations avaient abouti à l’interpellation de sept personnes, à Calais et près de Lens, mais aussi au sein de la prison de Longuenesse (Pas-de-Calais). Cinq de ces personnes interpellées avaient finalement été renvoyées devant le tribunal pour être jugées. L’une d’elle a été relaxée vendredi.
Plus de 4 000 passeurs interpellés en 2024 (...)
Les capacités de l’Oltim vont également être augmentées de six enquêteurs. Début février, le ministre de l’Intérieur avait annoncé la création d’une cellule d’échange de renseignements sur le trafic de migrants. Celle-ci va connecter l’Oltim aux services de renseignements des autres ministères, notamment Bercy. (...)
Concernant les traversées vers l’Angleterre, depuis Calais ou Dunkerque, "22 filières de ’small boats’" - nom donné à des canots pneumatiques de fortune - ont été démantelées en 2024, débouchant sur 180 gardes à vue, dont 157 se sont soldées par des déferrements devant un magistrat. (...)
"Nous sommes face à des réseaux irako-kurdes, au sein desquels nous retrouvons aussi désormais des passeurs afghans", avait déclaré Xavier Delrieu, tout en détaillant leur mode opératoire : "Le matériel pour fabriquer les bateaux est acheté en Chine, puis acheminé vers la Turquie, où se trouvent des ateliers de montages. Les embarcations, parfois fabriquées à la hâte et équipées de moteur, partent ensuite en Allemagne, où elles sont stockées. Depuis la France, les trafiquants envoient des ’petites mains’, parfois des Français sans ressources, pour chercher les kits au coup par coup, en fonction des besoins et des conditions météo".
Malgré la surveillance accrue des autorités dans le nord de la France et le travail acharné de l’Oltim, "plus de 600 traversées réussies" de la Manche en ’small-boats’ vers l’Angleterre ont été répertoriées l’an dernier, "permettant à plus de 36 000 migrants de rejoindre les côtes britanniques", soit une hausse de 24% sur un an.
Xavier Delrieu a également regretté le "bilan terrible" sur le "plan humain" avec "78 morts, soit par noyades liées notamment à la qualité artisanale des bateaux, qui se dégonflent en mer, soit par étouffement, lors de mouvements de panique provoqués par des tentatives de monter de force dans des embarcations qui prennent la mer". L’organisation internationale des migrations (OIM) évoque, elle, 82 morts dans la Manche sur l’ensemble de l’année 2024. Depuis le 1er janvier 2025, on compte déjà cinq décès dans cette zone maritime.