
La ministre de l’éducation Karin Prien a proposé de limiter le nombre d’enfants immigrés dans les écoles allemandes. Cette proposition suscite à la fois un fort rejet mais aussi de l’approbation au sein de la société allemande.
Lorsque Sabine Schwarz* a entendu parler pour la première fois de l’idée de la ministre allemande de l’éducation, Karin Prien, elle a pensé qu’il s’agissait d’une mauvaise blague. Un quota limitant le nombre d’immigrés dans les écoles allemandes est un "modèle concevable", a suggéré le ministre du parti conservateur CDU. Selon elle, ce quota pourrait se situer entre 30 ou 40%.
Sabine Schwarz est directrice d’une école primaire dans l’Etat le plus peuplé d’Allemagne, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (l’Allemagne est composée de 16 Etats fédérés appelés Länder). Plus de 80 % de ses 350 élèves sont issus de familles immigrées. Selon elle, la proposition de la ministre de l’éducation est impossible à mettre en œuvre : "Nous n’aurions même pas le quota de personnes qui pourraient être qualifiées de germanophones ou d’allemandes", explique-t-elle.
Les Allemands qui vivent dans les environs de son école préfèrent envoyer leurs enfants ailleurs, regrette la directrice.
Il y a près de 20 ans, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie a mis fin à l’obligation d’inscrire son enfant dans une école primaire du quartier. En conséquence, de nombreux parents évitent les établissements comme celui de Sabine Schwarz, estimant qu’un trop grand nombre d’élèves issus de l’immigration pourrait compromette la réussite scolaire de leurs propres enfants. (...)
"Ce que l’on entend toujours, c’est que l’immigration est associée à un niveau d’éducation inférieur et que les enfants apprennent plus lentement. Mais ce n’est pas du tout le cas", rappelle Sabine Schwarz. "Par exemple, nous avons bénéficié de la vague de réfugiés en 2015 parce que nous avons accueilli de nombreux enfants qui étaient très intéressés par une bonne éducation."
Elle critique le fait que tous les enfants soient mis dans le même sac. Il y a "des enfants encore traumatisés par l’expérience d’être réfugié et pour lesquels l’école n’est pas la première des priorités, il y a des enfants très intéressés par l’école et des enfants qui ont fui la pauvreté".
La devise de son école est que "chaque enfant est le bienvenu, d’où qu’il vienne. Et aucun enfant n’est abandonné".
Les compétences linguistiques
En Allemagne, environ 30 % de la population de plus de 80 millions d’habitants est issue de l’immigration. Mais cette proportion est beaucoup plus élevée chez les jeunes, en particulier dans les zones urbaines. Selon l’office des statistiques de Berlin, 55 % de tous les enfants et adolescents vivant dans la ville sont issus de l’immigration. Dans certains quartiers de la capitale, comme Neukölln, dans le sud de la capitale, ce chiffre dépasse les 70 %. (...)
Les élèves dénoncent une stigmatisation
L’association fédérale des élèves (Bundesschülerkonferenz) critique quant à elle vivement la proposition de quotas de Karin Prien.
Dans un communiqué, l’association affirme qu’elle alimente le sentiment que tous les enfants ne seraient pas les bienvenus à l’école. Les élèves estiment que de tels quotas ne favorisent pas un système éducatif plus équitable, mais stigmatisent les enfants. L’origine ethnique d’un individu ne devrait jamais devenir un critère d’accès à l’éducation. En outre, les écoles sont des lieux de participation et non d’exclusion, écrit l’association. (...)
Le niveau général des élèves est en recul
Enseignants, parents, élèves et experts s’accordent à dire que le système scolaire en Allemagne doit être réformé de toute urgence. Lors de la dernière étude PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), en 2022, le pays s’est retrouvé au milieu du classement international.
Les compétences des jeunes de 15 ans en lecture, en mathématiques et en sciences ont atteint les niveaux les plus bas jamais mesurés. (...)
Les écoles maternelles jouent un rôle déterminant
Nombreux sont ceux qui affirment que les questions d’intégration et d’apprentissage de la langue doivent être abordées dans l’enseignement préscolaire. Mais les statistiques montrent que l’Allemagne manque d’environ 125 000 instituteurs et institutrices de maternelle.
Sabine Schwarz le confirme : "Nous travaillons en étroite collaboration avec les jardins d’enfants, mais nous ne pouvons pas compenser le manque de personnel. Ils ont besoin de spécialistes formés et de ressources appropriées pour promouvoir l’apprentissage des langues. Malheureusement, ce n’est pas le cas actuellement, ce qui crée un fossé entre l’école maternelle et l’école élémentaire".
Selon la directrice d’école "le travail effectué dans les écoles maternelles est la clé de la réussite scolaire à l’école élémentaire".