
Avec plus de 11 000 dossiers déposés en 2024, les Ukrainiens sont quatre fois plus nombreux qu’en 2023 à demander l’asile en France. Ils sont devenus la deuxième nationalité à demander ici une protection internationale, juste derrière les Afghans. Après trois ans de conflit, beaucoup veulent se stabiliser ; or, le dispositif de protection temporaire n’ouvre que peu d’horizons pour reconstruire sa vie.
(...) La France est désormais le premier pays d’accueil de ces demandes d’asile ukrainiennes. En effet, 50 % des demandes déposées par des Ukrainiens en Europe concernent la France, selon le rapport annuel 2024 de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) publié lundi 3 mars.
Toujours d’après cette Agence, les Ukrainiens fuyant la guerre en Russie ont déposé 27 000 demandes d’asile dans l’UE en 2024, un chiffre en hausse de 90 % par rapport à 2023.
Ceux qui demandent l’asile, en France, reçoivent généralement des réponses positives : leur taux de protection atteignait 86 % en 2023.
"Un décalage entre un discours très accueillant et une réalité beaucoup plus complexe"
Alors que l’on entre dans la troisième année de la guerre menée par la Russie en Ukraine, ces demandes d’asiles ukrainiennes émanent "en grande majorité de personnes déjà présentes en France sous le régime de la protection temporaire", explique l’Ofpra dans son rapport provisoire.
La France accueille aujourd’hui 85 000 Ukrainiens, indique le Premier ministre dans une circulaire envoyée aux préfets du 4 décembre 2024. (...)
Pour rappel, la protection temporaire a été étendue jusqu’en 2026. Depuis son déclenchement quelques jours après le début de la guerre le 4 mars 2022, ce statut a régulièrement été renouvelé par les États membres de l’UE. Issu d’une directive adoptée en 2001 dans un contexte de déplacements massifs dus à des conflits armés dans les Balkans, il ouvre droit au séjour, au travail, au logement, à un accès immédiat aux soins de santé et à la scolarisation des enfants. Toutefois, les Ukrainiens ont été les premiers à en bénéficier. (...)
La tendance à la hausse de la demande d’asile des Ukrainiens, "à rebours de l’orientation initialement recherchée, traduit le souhait des Ukrainiens présents en France de s’inscrire durablement sur notre territoire, dans un contexte de poursuite du conflit en Ukraine et d’incertitude liée à la durée effective de la protection temporaire (…) ainsi qu’au caractère provisoire des autorisations de séjour qui leur sont remises", note le Premier ministre dans sa circulaire. Les autorisations de séjour délivrées dans le cadre de la protection temporaire ne sont valables qu’un an, renouvelables.
En France, une protection avec peu d’horizons
"Si les demandes d’asile augmentent, c’est probablement que certains Ukrainiens souhaitent rester, mais aussi parce que la protection temporaire, qui n’est pas prévue pour durer, ouvre moins de droits", commente auprès du Dauphiné la sénatrice de la Nièvre Nadia Sollogoub, présidente du groupe d’amitié France-Ukraine du Sénat. "Certains Ukrainiens perçoivent un décalage entre un discours très accueillant, et une réalité beaucoup plus complexe".
L’une des principales préoccupations concerne les moyens donnés à l’accueil des Ukrainiens protégés (...)
ce dispositif s’est réduit au fil des années : 13 000 places en 2023 ; 9 000 en 2024. Dans le budget 2025, ces moyens se resserrent encore, à 4 000 places dédiées. "Au premier semestre, 2 500 places vont disparaître ; puis 2 500 autres au second semestre", détaille à InfoMigrants Gérard Sadik, responsable national asile de La Cimade, qui a produit une analyse fin 2024 sur ce budget. (...)
Au total, "10 000 places d’hébergement asile sont supprimées dans le budget 2025", décompte Gérard Sadik, "ce qui est hallucinant". (...)
Avec cette baisse des financements de l’hébergement et du logement, les associations craignent que de très nombreux exilés, y compris Ukrainiens, se retrouvent à la rue sans solution d’hébergement. Le tout dans un contexte géopolitique tendu, avec le soutien assumé à la Russie du chef d’Etat américain Donald Trump. "Le nombre de déplacés ukrainiens pourrait augmenter vu ce qu’il se passe actuellement. Or la France n’est peut être pas tout à fait prête à accueillir de nouveaux déplacés", alerte Gérard Sadik.
Des droits qui se restreignent ailleurs en Europe (...)
Dans le même temps, les intentions de retour des Ukrainiens vers leur pays d’origine ont considérablement diminué au fil du temps. (...)
Lire aussi :
– (GISTI)
Circulaire 6466/SG du 4 décembre 2024
relative aux orientations pour l’accueil et l’insertion des bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) en provenance d’Ukraine au cours de l’année 2025