Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Le plan de la droite européenne pour défaire le Pacte vert
#UE #ecologie #PacteVert #PPE
Article mis en ligne le 12 décembre 2024
dernière modification le 9 décembre 2024

Dans une note interne, obtenue par Mediapart, le Parti populaire européen souhaite réviser une série de législations climatiques et environnementales. Des ONG et députés craignent que la stratégie d’alliance avec l’extrême droite, défendue par une partie du PPE, n’aboutisse à une mise au rebut du Pacte vert européen.

Le Pacte vert (ou Green Deal) européen sera-t-il détricoté fil par fil jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien ? C’est ce que craignent des associations de protection de l’environnement à la lecture d’un brouillon de note interne du Parti populaire européen (PPE), le groupe de droite au Parlement européen et première formation de l’hémicycle. « C’est une attaque en règle contre le Pacte vert et contre l’acquis environnemental », déplore Faustine Bas-Defossez, de l’ONG Bureau environnemental européen, au sujet de ce document, que Mediapart a pu se procurer, et auquel Contexte a aussi eu accès.

Dans cette ébauche de note, le PPE liste les initiatives que le parti aimerait voir inscrites au programme de travail de la Commission européenne en 2025. Ce document s’inscrit dans un échange informel entre commissaires PPE et député·es du groupe, pour tâter le terrain au Parlement, avant le lancement d’initiatives concrètes par la Commission. « Ce type de dialogue existe dans tous les groupes politiques », veut assurer une source européenne. (...)

Dans ce document, la droite érige l’asile et les migrations au rang de priorité, proposant par exemple un renforcement considérable de Frontex. Elle évoque aussi l’État de droit. Mais c’est surtout le climat et l’environnement qui sont ciblés. Le PPE veut remettre en cause plusieurs directives et règlements adoptés lors de la précédente législature. (...)

Manfred Weber peut brandir une menace : sur chaque texte, ses député·es peuvent faire basculer les majorités en s’associant avec les groupes d’extrême droite. C’est d’ailleurs ce qui fut fait le 14 novembre dernier, lors d’un vote sur la directive contre la déforestation importée, dont l’objectif est d’interdire la mise sur le marché de certains produits issus de la déforestation. L’application de ce texte clé du Green Deal a été reportée d’un an sur proposition de la Commission européenne.

Pour entériner la décision, un vote du Conseil, donc des États membres, et du Parlement était nécessaire. Le PPE s’est glissé dans l’interstice pour lancer une offensive à coups d’amendements, votés avec l’appui de l’extrême droite, afin d’affaiblir la portée de la directive. Les amendements ont ensuite été rejetés lors des négociations avec le Conseil. Mais le PPE avait annoncé la couleur : à chaque fois qu’un texte « vert » sera révisé ou proposé, cette alliance pourra faire vaciller l’édifice du droit climatique européen. (...)

Que dit la note du PPE ? En premier lieu, ce sont les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2040 qui sont visés. La Commission propose de les réduire de 90 % par rapport à leur niveau de 1990. Pour la droite européenne, il faudra définir l’objectif en prenant en compte les « impacts de ces réductions sur les entreprises, l’économie, le social ». (...)

Le PPE liste ensuite ses desiderata. La fin des moteurs thermiques en 2035 est une cible majeure. Le PPE se dit favorable à une approche « technologiquement neutre » qui ferait la part belle aux carburants de synthèse. La révision de l’objectif de neutralité carbone des véhicules, clairement mentionnée dans la note, ouvrirait la voie à des « e-fuels » davantage émetteurs de CO2 que les voitures électriques, comme le rappelait encore récemment Transport & Environnement. Le PPE mentionne par ailleurs les « biocarburants », qui sont eux-mêmes émetteurs de CO2 et au cœur d’innombrables polémiques. (...)

La droite européenne est pressée. Elle souhaite la réouverture urgente de textes comme la directive sur le système d’échange de quotas de CO2, qui doit pourtant être revue en 2026. (...)

L’agriculture n’est pas oubliée par le PPE. Le parti réclame la révision rapide de la directive sur les émissions industrielles et d’élevage, pourtant votée dans la douleur en mars 2024. Ce texte vise à réduire les pollutions des sites industriels. Il a fait l’objet d’une intense bataille de lobbying de la part des plus gros syndicat agricoles, pour éviter d’inclure les émissions d’ammoniac ou de méthane des grands élevages industriels. Les plus grandes exploitations de porcs et de volailles sont finalement couvertes par cette directive, mais les agriculteurs sont soumis à des règles allégées et les producteurs de bovins ne sont pas concernés. (...)

Enfin, l’envie d’Ursula von der Leyen d’abaisser la protection dont bénéficient les loups est désormais bien connue. Mais cela ne suffit pas pour le PPE, qui demande de revoir à la baisse la protection des ours et « d’autres espèces ». Pour ce faire, il faudrait modifier les textes de protection de la nature, les directives « oiseaux » et « habitats », faisant craindre une offensive plus vaste contre ces textes emblématiques qui ont notamment permis de sanctuariser des zones naturelles dans l’UE sous l’appellation « Natura 2000 ».

Au sein du PPE, contacté par Mediapart, on considère ce texte comme « n’ayant aucune importance ». « C’est un brouillon de brouillon qui est à l’état de discussion. Il ne représente pas la position du PPE, donc il n’existe pas », nous dit-on. Au Parlement, beaucoup considèrent qu’il existe bel et bien. Ils y voient un énième signe d’une vaste offensive à venir contre le Pacte vert.