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Mediapart
La police de l’environnement cède à la frange ultra du monde agricole
#agriculture #biodiversite #OFB
Article mis en ligne le 15 avril 2025
dernière modification le 12 avril 2025

Des décisions problématiques, et une opération de com’. Les dix mesures de « sortie de crise » de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui seront annoncées dans quelques jours et dont Mediapart a pu prendre connaissance, cèdent en plusieurs points aux demandes les plus extrémistes du monde agricole.

Élaborées par la direction de la police de l’environnement et transmises le 29 janvier au premier ministre et aux ministères de tutelle – agriculture et transition écologique –, ces mesures seront officialisées jeudi 17 avril à l’occasion d’un déplacement d’Annie Genevard et Agnès Pannier-Runacher, au siège de l’institution à Auffargis, dans les Yvelines. Elles sont censées mettre fin à l’engrenage de dénigrements, attaques verbales et agressions physiques dont l’OFB et ses agent·es sont victimes depuis le début de la colère agricole. Contactée, l’institution a confirmé les informations de Mediapart.

La feuille de route cède en réalité aux demandes des syndicats agricoles FNSEA-JA et Coordination rurale (CR), en conférant au secteur un statut à part en cas de contrôle. Et n’apporte pas de réponse sur la sécurité mise à mal des personnels de l’OFB – qui compte près de 3 000 agent·es réparti·es sur l’ensemble du territoire –, ni de clarification sur les missions, de plus en plus critiquées, de l’institution.

Les deux premières mesures, qui entendent développer le « port d’arme discret » pour les contrôles administratifs dans les exploitations agricoles, ainsi que celui d’une caméra individuelle, ne sont en fait pas nouvelles : elles ont déjà fait l’objet d’une circulaire, le 3 décembre 2024. Surtout, elles figent dans le marbre une différenciation et une inégalité de traitement. Un chasseur qui prélève un lièvre au-delà des quotas autorisés, une usine qui rejette des déchets non traités… peuvent être verbalisés par un·e agent·e de l’OFB avec son arme à la ceinture. Pas un agriculteur qui épandrait des produits phytosanitaires au bord d’un cours d’eau.

Formations pour les uns, pas pour les autres (...)

Inspecteurs et inspectrices de l’environnement vont devoir en outre suivre des formations aux « enjeux agricoles », et les salarié·es des chambres d’agriculture des formations aux « enjeux de biodiversité ».

Aucune formation n’apparaît en revanche pour les agricultrices et agriculteurs. (...)

Les dernières mesures de cette « sortie de crise » sont plus floues : « Une large campagne de communication consacrée aux enjeux de protection de l’environnement, aux missions des policiers de l’environnement et aux liens avec une agriculture durable » ; une journée annuelle consacrée à « des contrôles à blanc à visée pédagogique » ; « un colloque national sur la police de l’eau et de la nature ». Mais la tonalité est claire : il s’agit d’aller vers un allègement des contrôles et des sanctions. Il sera d’ailleurs lancé, « sous l’égide du premier ministre », une « réflexion de revue des normes et échelles des peines ».

Ces mesures, sans moyens alloués supplémentaires, mettront-elles fin au mal-être des agent·es de l’OFB ? Rien n’est moins sûr.

Consultés à l’occasion du comité social d’administration (CSA) qui s’est tenu le 4 avril, les représentants du personnel, tous syndicats confondus, n’ont même pas voulu voter : ils ont boycotté la réunion. « Ces mesures ont été élaborées sans aucune concertation avec nous. Nous aurions voté unanimement contre, et le projet serait passé de toute façon, explique Sylvain Michel, élu de la CGT à l’OFB et représentant suppléant au CSA. Nous avons donc fait le choix du boycott, pour envoyer un message plus fort. » (...)

Lors d’un rendez-vous à Matignon le 24 janvier, l’intersyndicale réunissant l’ensemble des organisations représentatives du personnel (SNE, FSU, FO, CGT, Unsa, EFA-CGC) avait fait part d’une série de revendications : une lettre du premier ministre « exprimant son soutien ferme » à chacun des agent·es et « réaffirmant le rôle déterminant des missions de l’OFB et celles de police en particulier » ; une protection des locaux et des personnels de l’OFB « contre toute agression ou attaque, quel que soit le syndicat agricole qui en est à l’initiative » ; l’annulation de la circulaire sur le port discret de l’arme ; le maintien des effectifs et des budgets - alors qu’une baisse est en cours – ; et quelques améliorations statutaires. Aucune de ces demandes n’a été retenue.

Le port discret de l’arme, en revanche, apparaissait dès janvier 2024 sur la liste de doléances du syndicat productiviste FNSEA-JA (...)

Au total, plus 80 actes malveillants visant l’OFB ont été recensés depuis un an. Quasiment aucune condamnation n’a encore été prononcée.