
C’est une décision inédite et accablante. Pour la première fois, la France est condamnée devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour des défaillances dans son traitement judiciaire des violences sexuelles.
La CEDH a rendu jeudi 24 avril sa décision concernant trois dossiers français de viols envers des mineures et dénonce la « victimisation secondaire » subie par les trois plaignantes, c’est-à-dire la maltraitance endurée durant la procédure judiciaire. Elle considère que dans ces trois affaires, « les autorités d’enquête et les juridictions internes ont failli à protéger, de manière adéquate, les requérantes qui dénonçaient des actes de viol alors qu’elles n’étaient âgées que de 13, 14 et 16 ans au moment des faits ».
Ces trois requêtes ont été déposées en 2021 et 2022. Du fait de leurs similarités, la Cour européenne les a examinées conjointement et a rendu un arrêt unique, qui devrait alimenter les débats sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, mais aussi ceux sur l’inscription du consentement dans la loi pour les infractions sexuelles.
Pour la première fois, l’État a été épinglé jeudi par la Cour européenne des droits de l’homme pour des défaillances dans son traitement judiciaire de trois dossiers de viols sur mineures. La juridiction dénonce notamment des « stéréotypes sexistes » et, dans un cas, une « discrimination fondée sur le sexe ».
C’est une décision inédite et accablante. Pour la première fois, la France est condamnée devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour des défaillances dans son traitement judiciaire des violences sexuelles.
La CEDH a rendu jeudi 24 avril sa décision concernant trois dossiers français de viols envers des mineures et dénonce la « victimisation secondaire » subie par les trois plaignantes, c’est-à-dire la maltraitance endurée durant la procédure judiciaire. Elle considère que dans ces trois affaires, « les autorités d’enquête et les juridictions internes ont failli à protéger, de manière adéquate, les requérantes qui dénonçaient des actes de viol alors qu’elles n’étaient âgées que de 13, 14 et 16 ans au moment des faits ».
Ces trois requêtes ont été déposées en 2021 et 2022. Du fait de leurs similarités, la Cour européenne les a examinées conjointement et a rendu un arrêt unique, qui devrait alimenter les débats sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, mais aussi ceux sur l’inscription du consentement dans la loi pour les infractions sexuelles. (...)
C’est la seconde fois – en quatre mois – que l’État est condamné par la CEDH en matière de droits des femmes. En janvier déjà, une sexagénaire avait obtenu la condamnation de la France en raison d’un divorce pour faute prononcé par la justice française au motif qu’elle n’avait pas respecté son « devoir conjugal ».
En matière de violences sexuelles et sexistes, la Cour européenne a fait émerger, ces dernières années, une véritable jurisprudence. « C’est la cinquième fois qu’elle condamne des pays pour motivations sexistes, après le Portugal (2019), l’Italie (2021), la Turquie (janvier 2025) et Chypre (février 2025) », énumère à Mediapart l’avocate Lorraine Questiaux.
Ce ne sera peut-être pas la seule condamnation de la France en la matière : huit autres femmes ont adressé des requêtes à la Cour européenne pour le même motif, qui sont en cours d’examen. (...)
Dans son arrêt, la cour fustige à plusieurs reprises la « victimisation secondaire » subie par les plaignantes durant les procédures. Elle note même que dans un cas, l’état de santé de la plaignante « s’est dégradé au cours des investigations ».
Elle déplore l’usage par des magistrat·es de « stéréotypes de genre » qui sont non seulement « inappropriés », mais aussi « inopérants » et « attentatoires à la dignité » des plaignantes. C’est particulièrement vrai dans le cas de Julie, exposée, selon la cour, « à des propos culpabilisants, moralisateurs et véhiculant des stéréotypes sexistes propres à décourager la confiance des victimes dans la justice ». « Il est essentiel que les autorités judiciaires évitent de reproduire des stéréotypes sexistes dans les décisions de justice et de minimiser les violences fondées sur le genre », rappelle-t-elle.
La CEDH estime aussi que l’une des trois plaignantes a subi au cours de l’enquête un traitement discriminatoire du fait d’être une fille.
Autre élément accablant : elle pointe un « défaut d’effectivité de la procédure judiciaire » dans deux des affaires, épinglant « l’absence de célérité et de diligence dans la conduite de la procédure pénale ». (...)
L’arrêt de la CEDH épingle sévèrement les carences de la France dans l’évaluation de la réalité du consentement des plaignantes. (...)
« Une décision historique »
Parmi les militantes féministes, les associations et les avocates engagées aux côtés des victimes, l’arrêt de la CEDH suscite un grand enthousiasme : « une décision historique », « une immense victoire », « une première », réagissent plusieurs personnes interrogées par Mediapart. Parce qu’il pointe ce qu’elles dénoncent depuis des années, mais aussi parce qu’il pourrait enclencher de véritables changements dans le traitement des violences sexuelles et sexistes en France.
À la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – qui avait adressé à la CEDH une tierce intervention soulignant les insuffisances du cadre juridique français –, sa secrétaire générale, la magistrate Magali Lafourcade, salue un arrêt « rendu à l’unanimité » qui « revêt une importance majeure » (...)
La France reste en tout cas « en retard » par rapport à d’autres pays. « Elle est encore relativement archaïque en comparaison de pays comme l’Espagne ou le Canada, qui ont des décennies d’avance sur nous », explique Carine Durrieu Diebolt. « Tous les pays rencontrent des difficultés dans le traitement des violences mais certains ont fait preuve de volonté politique et ont permis des évolutions, comme l’Espagne ou la Suède », abonde Maria Cornaz Bassoli, qui précise que « de nombreux pays européens, en matière de définition du viol et des agressions sexuelles, ont fondé l’incrimination sur l’absence de consentement explicite de la victime, ce que la France n’a pas encore fait ».
Une décision qui alimentera les débats sur la définition du viol (...)
Dans son arrêt, la CEDH ne prend pas explicitement position sur le sujet, mais elle relève « qu’il existe aujourd’hui un consensus grandissant au sein des États parties pour intégrer expressément, dans la définition du viol, la notion de consentement éclairé ». (...)
Sur la période 2012-2021, le taux de classement sans suite atteint 86 % dans les affaires de violences sexuelles en France, et 94 % pour les viols – un taux en hausse sur ces dernières années, selon une récente étude de l’Institut des politiques publiques.
Ce haut taux n’est pas propre aux violences sexuelles – il s’élève à 85 % pour les autres infractions d’atteinte à la personne. Mais, à la différence des autres atteintes, ces classements sont dans l’immense majorité des cas motivés par le fait que l’infraction serait « insuffisamment caractérisée ».
Le tableau est d’autant plus choquant que le viol peut être qualifié de crime de masse (...)