Alors que les débats sur le budget de la Sécurité sociale ont été particulièrement animés cette année et que le budget, lui, n’est pas encore voté, une étude de l’Insee vient jeter un pavé dans la mare. Lundi 15 décembre, l’institut statistique a rendu publiques des données montrant un creusement de l’écart de l’espérance de vie liée au niveau de vie sur la période 2020-2024 par rapport à la période 2012-2016.
L’étude met ainsi en évidence un élargissement de l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les 5 % de Français ayant le niveau de vie le plus élevé, soit plus de 6 247 euros par mois, et les 5 % de Français ayant le niveau de vie le plus faible, soit moins de 497 euros mensuels. En l’espace de huit années, cet écart est passé de 8,3 ans à 8,7 ans pour les femmes et de 12,7 ans à 13 ans pour les hommes.
Concrètement, cela signifie que les femmes les plus pauvres ont, en moyenne, une espérance de vie à la naissance de 80,1 ans, contre 88,7 ans pour les femmes les plus riches. De même, les hommes les plus riches peuvent espérer vivre 85 ans, contre 72 ans pour les hommes les plus pauvres.
Un mouvement profond de creusement des inégalités
Cette baisse va de 0,18 à 0,62 % pour les femmes et de 0,26 à 0,71 % pour les hommes. La partie de la population la plus touchée est le 3e vingtième, autrement dit les personnes dont le niveau de vie mensuel est compris entre 1 003 et 1 129 euros. Chez les femmes, l’espérance de vie recule de 0,51 an et de 0,53 an chez les hommes, soit tout de même un recul de plus de six mois. Sur cette tranche particulière, l’écart avec les 5 % les plus riches s’accroît de 0,94 pour les femmes à 1 an pour les hommes. (...)
Le mouvement de creusement des écarts d’espérance de vie lié aux niveaux de vie est donc large et, parfois, massif. Il dénote une dégradation prononcée ciblant les 40 % les plus pauvres de la population, ceux qui ont un niveau de vie inférieur à 1 451 euros par mois. Cette dégradation est d’autant plus inquiétante qu’en théorie, comme le souligne l’Insee, l’espérance de vie augmente moins vite à mesure que le niveau de vie augmente. Ce qui s’est passé récemment est donc l’inverse de cette situation théorique. (...)
Les causes de ces inégalités croissantes
Comment expliquer une telle situation ? La période 2020-2024 est, bien sûr, particulière au regard de la pandémie de covid-19 qui a frappé la France en 2020 et 2021. Mais cette pandémie seule ne peut expliquer de tels écarts, car il faut alors expliquer pourquoi les plus modestes ont été les plus touchés. L’Insee ne présente aucune cause solide, mais il est possible d’établir des hypothèses. (...)
Les personnes « en première ligne », comme on disait alors, ont été plus exposées, notamment parce que leurs revenus étaient moins protégés et qu’elles ont été sacrifiées pour permettre la poursuite normale des activités. En clair : pour que les plus aisés puissent se confiner, les pauvres ont dû s’exposer. La société a accepté une éventuelle baisse de l’espérance de vie de ces derniers pour sauvegarder les gains d’espérance de vie des premiers.
Plus pauvres, les pauvres vivent donc moins longtemps que les plus riches qui, eux, sont plus riches.
(...)
Pour 40 % de la population française, l’écart d’espérance de vie avec les 5 % les plus riches s’est creusé au cours des douze dernières années. C’est le produit de politiques publiques qui refusent de prendre en compte le lien entre inégalités de revenus et inégalités d’espérance de vie.
(...)
Depuis la pandémie, les inégalités ne cessent de croître et la pauvreté augmente de façon inédite dans notre pays. Plus pauvres, les pauvres vivent donc moins longtemps que les plus riches qui, eux, sont plus riches.
Il y a donc concrètement un effet, ici, des politiques menées depuis quinze ans par les différents gouvernements sous couvert de « libération » des énergies ou autres « politique d’attractivité ». C’est aussi directement l’effet de la crise inflationniste de 2022-2023 qui a conduit à une baisse inédite depuis des décennies des salaires réels, notamment ceux compris entre le salaire minimum, protégé, et le salaire médian. On retrouve là encore notre partie de la population la plus touchée par la baisse de l’espérance de vie.
La hausse des prix a eu pour fonction de transférer une partie de l’épargne et des revenus des ménages vers les entreprises, notamment les plus grosses, afin d’améliorer leur taux de profit. Ce phénomène a naturellement accru les inégalités puisque ces profits ont été redistribués ensuite sous forme de dividendes ou de salaires de dirigeants. C’est aussi la mécanique qui peut expliquer le creusement des écarts d’espérance de vie selon les niveaux de vie.
L’échec des politiques publiques (...)