Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Infomigrants
"Il y a des jours où je regrette d’être venu" : en Espagne, la difficile intégration des migrants sans papiers
#Espagne #migrants #immigration #sansPapiers #travail
Article mis en ligne le 28 mars 2025
dernière modification le 25 mars 2025

Blaye, Ousmane et Babacar ont tous les trois quitté le Sénégal pour l’Espagne. Non éligibles à l’asile, ils partagent la même ambition : postuler aux titres de séjours dits "arraigos", réservés aux migrants en situation irrégulière. Malgré les différentes réformes engagées par le gouvernement espagnol pour faciliter leur obtention, l’accès à ces titres reste long et difficile pour les exilés, bien souvent enfermés dans une grande précarité. Reportage.

(...) Depuis son arrivée en Espagne il y a deux ans, Blaye répète inlassablement les mêmes mots, et a appris à fuir les patrouilles de la police. La vente de sacs contrefaits dans le centre-ville de Madrid est son quotidien.

Ces dernières années, des dizaines de milliers de migrants comme lui sont entrés en Europe par l’Espagne. En 2024, plus de 63 000 arrivées ont été comptabilisées par le ministère de l’Intérieur, un record. Si une partie des exilés ne fait que transiter dans le pays pour rejoindre la France, la Belgique ou l’Allemagne, nombreux sont ceux qui choisissent de rester. Se pose alors la question de leur régularisation. Pour les migrants qui ne demandent pas l’asile, une solution existe : le permis de séjour de type "arraigos", "racines" en français.

"À ce jour, il en existe quatre : de travail, social, de formation, et familial, liste Ana Alañon, avocate en droit des étrangers à la fondation Humanisme et Démocratie, à Madrid. Ces titres sont réservés aux personnes en situation irrégulière, qui peuvent notamment justifier, selon les permis, de deux à trois ans de présence sur le territoire espagnol".

Depuis deux ans, pour soutenir l’économie du pays, le gouvernement espagnol concentre justement ses efforts sur les "arraigos", et a impulsé diverses réformes afin d’en faciliter l’accès. "L’arraigo para la formación" a par exemple été lancé en août 2022 : il permet aux personnes sans papiers de suivre une formation dans les secteurs qui manquent de main-d’œuvre, et donc de trouver un emploi plus facilement à l’issue de celle-ci.

Entre l’été 2022 et fin 2023, plus de 23 000 "arraigos" de formation ont ainsi été accordés à des migrants, ayant passé en moyenne deux ans et demi en situation irrégulière. Soit une période nettement plus courte que pour d’autres exilés sans papiers, qui attendent généralement plus de quatre ans avant d’obtenir un titre de séjour. (...)

Ce titre de séjour, valable un an, peut déboucher ensuite sur un "permis de résidence" ou "une autorisation de séjour et travail".

"Cette attente, c’est difficile"

Mais sur le terrain, le bilan est plus mitigé. "L’arraigo de formation" par exemple n’a pas forcément tenu toutes ses promesses (...)

Surtout, le temps exigé en situation irrégulière pour postuler à ces titres - de deux à trois ans - contraint les migrants à une longue attente, très souvent dans une grande précarité. (...)

"Une vision utilitariste de la migration"

"Les arraigos et les différentes réformes lancées par le gouvernement, c’est une bonne chose, cela permet à beaucoup de personnes de s’en sortir. Mais cette approche traduit en même temps une vision utilitariste de la migration, liée uniquement aux besoins économiques du pays. La conséquence, c’est que de nombreux migrants plongent alors dans la pauvreté et ne peuvent en sortir", explique Élisa Brey, professeur de sociologie à l’Université Complutense de Madrid. "De plus, les exilés ici n’ont pas les réseaux d’entraide traditionnels qui profitent aux citoyens espagnols, comme la famille. En Espagne, quand les gens ont un problème, ils ne comptent pas vraiment sur l’État, ils vont voir leurs parents". (...)