Et si, un matin, la France se réveillait sans la présence au travail des étrangers qui, chaque jour, participent à la vie économique, sociale et humaine du pays ? Que se passerait-il si, pendant seulement vingt-quatre heures, ces femmes et ces hommes — trop souvent invisibles, parfois méprisés, mais indispensables — décidaient de poser les outils, d’éteindre les fourneaux, de fermer les chariots de nettoyage, de quitter les cuisines, les entrepôts, les hôpitaux ?
L’expérience serait brutale. Et révélatrice.
Un pays paralysé en quelques heures
Dès l’aube, les premiers effets se feraient sentir. Les chantiers s’arrêteraient, faute de main-d’œuvre. Les restaurants, cafés, hôtels et cantines scolaires ne pourraient plus assurer le service. Les poubelles s’accumuleraient dans les rues. Les transports publics tourneraient au ralenti, les entrepôts logistiques seraient bloqués, et nombre d’entreprises de livraison cesseraient toute activité.
Dans les hôpitaux et les maisons de retraite, la situation deviendrait critique. Infirmiers, aides-soignants, agents d’entretien, brancardiers — nombre d’entre eux sont étrangers ou issus de l’immigration récente. Sans eux, la prise en charge des patients serait immédiatement compromise. Le pays prendrait alors conscience d’une vérité trop souvent niée : les étrangers sont la colonne vertébrale silencieuse de l’économie française.
Des métiers essentiels, mais sous-valorisés
Selon l’INSEE, près de 10 % de la population active en France est née à l’étranger. Cette proportion grimpe bien plus haut dans certains secteurs : près de 40 % dans le bâtiment, plus de 30 % dans la restauration, plus de 25 % dans le nettoyage et la logistique. Dans la santé, notamment dans les établissements publics, leur présence est également massive.
Pourtant, ces travailleurs occupent souvent les postes les plus durs, les moins bien payés, et les plus précaires. Beaucoup travaillent dans l’ombre, sans reconnaissance, parfois sans papiers, souvent sans sécurité. Ils participent à la prospérité nationale, mais restent à la marge des droits et de la dignité sociale. (...)
Un paradoxe français : dépendance économique et rejet politique
C’est là tout le paradoxe : la France dépend structurellement de la main-d’œuvre étrangère, tout en menant un discours politique souvent centré sur la « lutte contre l’immigration ».
D’un côté, on ferme les frontières, on durcit les procédures de régularisation, on multiplie les contrôles et les refus de titre de séjour. De l’autre, on ne parvient pas à recruter dans des secteurs entiers — la restauration, la propreté, l’agriculture, la construction — qui ne pourraient pas fonctionner sans ces travailleurs.
Cette contradiction révèle une hypocrisie institutionnelle : la France veut les bras, mais pas les visages. Elle veut leur travail, sans toujours leur accorder la reconnaissance sociale et juridique qu’ils méritent.
Et si, au lieu d’exclure, on reconnaissait ? (...)
derrière chaque emploi occupé par un étranger, il y a une contribution directe à la richesse nationale, mais aussi une histoire humaine : celle d’un parcours migratoire, d’un courage, d’un espoir. Ces hommes et ces femmes ne prennent la place de personne. Ils occupent des postes que beaucoup refusent, dans des conditions difficiles, pour faire vivre leurs familles et construire une vie meilleure.
Reconnaître cette réalité, c’est reconnaître que l’immigration n’est pas un problème, mais une force.
C’est admettre que la diversité n’est pas une menace, mais une chance. C’est comprendre que la France n’est pas affaiblie par ceux qui viennent y vivre et y travailler — elle est au contraire portée par eux.
Une France sans eux : une France à l’arrêt (...)
Voulons-nous continuer à construire une société sur l’injustice et l’oubli, ou bâtir enfin une République reconnaissante, juste et solidaire