Lors d’une rencontre tenue à Madrid le 17 octobre, l’Espagne et la Mauritanie ont annoncé avoir déjoué 3 500 tentatives de migration irrégulière en 2025 sur le sol mauritanien. Cette coopération bilatérale sur la question migratoire s’est renforcée depuis que la Mauritanie est devenue l’un des principaux lieux de départs des pirogues à destination des îles Canaries.
La Mauritanie et l’Espagne ont annoncé avoir réussi, grâce à leur coopération conjointe, à intercepter près de 3 500 tentatives de départs clandestins à la source, depuis la Mauritanie, en 2025. En 2024, plus de 10 000 cas avaient déjà été déjoués.
Les données ont été communiquées lors d’une rencontre qui s’est tenue à Madrid le 17 octobre dernier entre le ministre de l’intérieur espagnol, Fernando Grande-Marlaska et son homologue mauritanien, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine.
Les questions de migration, de sécurité ainsi que sur le renforcement de la coopération bilatérale sur ces aspects entre Nouakchott et Madrid ont constitué l’essentiel des échanges au programme de cette visite officielle de quelques jours. (...)
Une coopération étroite
Le ministre espagnol a souligné le rôle clé de la Mauritanie dans la gestion régionale des migrations. Le pays est un effet un carrefour stratégique de la migration ouest-africaine. Avec le renforcement des contrôles des frontières au Sénégal, en Gambie et au Maroc, auparavant importants pays de départs, la route migratoire mauritanienne s’est réactivée depuis 2024. Selon l’ONG Caminando Fronteras, la Mauritanie est devenu cette même année le principal lieu de départ des migrants d’Afrique de l’Ouest arrivés dans l’archipel espagnol des Canaries. (...)
Dans le cadre du programme de coopération européen GARSI-Sahel, la Garde Civile espagnole a également formé en 2017 et 2023, deux unités spéciales de Gendarmerie locale, en charge de la lutte contre le terrorisme et les trafics illicites, dont la traite d’êtres humains. Une troisième unité, fluviale cette fois-ci, est en cours de formation dans la région d’Aleg, proche de la frontière avec le Sénégal.
Durcissement de la politique migratoire
Les échanges et visites officielles se sont également multipliés avec les responsables de l’Union Européenne (UE), autre partenaire clé de la Mauritanie sur le volet migratoire dans le cadre notamment du Dialogue migratoire UE-Mauritanie lancé en 2023.
Un rapprochement qui s’est concrétisé avec la signature en mars 2024 d’un accord avec l’UE. Celui-ci alloue une enveloppe de 210 millions d’euros au pays saharien à qui la surveillance des frontières européennes est désormais déléguée. C’est donc la Mauritanie qui contrôle, interpelle et expulse les migrants tentant de rejoindre l’Europe clandestinement.
Nouakchott a ainsi opéré un tournant tout sécuritaire depuis le début d’année. Les autorités mauritaniennes ont durci leur politique migratoire et renforcé la lutte contre l’immigration clandestine avec une multiplication des interpellations et des expulsions. Entre janvier et avril 2025, la Mauritanie a intercepté plus de 30 000 migrants et démantelé plus de 80 réseaux de passeurs, selon des sources gouvernementales au journal espagnol El Pais. (...)
Dans un rapport paru fin septembre, l’ONG Human Rights Watch dénonce ces accords passés entre l’UE et l’Espagne avec la Mauritanie "pour externaliser le contrôle des flux migratoires". Elle accuse les autorités mauritaniennes d’avoir commis de "graves violations des droits humains" à l’encontre de migrants et de demandeurs d’asile entre 2020 et début 2025.
Les conditions de vie dans le pays se sont largement dégradées pour les étrangers qui rapportent des contrôles réguliers et abusifs, parfois avec l’usage de la violence. Une vaste campagne d’expulsion de migrants avait été menée en début d’année : plus de 28 000 personnes ont été reconduites aux frontières durant les six premiers mois de l’année selon les chiffres du gouvernement mauritanien.
Ce traitement des migrants dans le pays a également été dénoncé par l’ONU. Au terme de sa visite en Mauritanie en septembre, le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme des migrants, Gehad Madi, avait exhorté Nouakchott à "respecter les norme internationales en matière de droits humains".