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Argentine - Décision historique : les communautés indigènes et les assemblées socio-environnementales arrêtent les compagnies minières de lithium
#lithium #mines #biodiversite #urgenceclimatique #Argentine
Article mis en ligne le 21 avril 2024

Dans un coup dur pour les multinationales du lithium et le gouvernement de Catamarca, la plus haute cour provinciale a interdit la délivrance de nouveaux permis et exigé la réalisation d’études d’impact pour tous les projets miniers de la région. La plainte a été déposée par les communautés de Diaguita et les assemblées socio-environnementales. Chronique d’un triomphe.

(...) La principale demande concernait la suspension des permis d’extraction d’eau de la rivière Los Patos, ainsi que des plaintes pour violation des droits des communautés indigènes, fausses audiences publiques et persécution sociale, tant du chef et de sa famille que des voisins qui s’étaient exprimés contre l’exploitation minière (c’est le cas d’un enseignant qui a été condamné à deux ans d’emprisonnement dans un acte manifeste de persécution politique).

Face à cette première présentation, la réponse du gouvernement de Raúl Jalil a été percutante par son impunité et son manque de démocratie. Le ministère des mines a répondu (croyez-le ou non) qu’il avait « perdu la présentation ».

Malgré les relances via des notes, des demandes d’information et de nouvelles soumissions, aucune réponse n’a jamais été reçue. Le cas du Tribunal des mines est encore plus incroyable. (...)

De l’amparo à la décision de justice

En août 2021, après de nombreuses plaintes dans les médias locaux et internationaux, après la première d’un film documentaire mettant en scène la communauté des Atacameños del Altiplano, et au milieu d’un conflit social croissant à Antofagasta, Román Guitian a introduit un recours en amparo devant le Tribunal fédéral. (...)

À cette occasion, les informations se sont multipliées et un rapport clé préparé par la Fondation Yuchán a été ajouté. (...)

Tout cela jusqu’à l’arrêt du jeudi 13 mars 2024, où la résolution de la Cour a été obtenue et les mesures conservatoires partiellement accordées. Comme l’explique l’avocat Santiago Kosicki, accompagné de l’équipe juridique de l’Assemblée de Pucara : « La Cour de justice de Catamarca a statué contre le gouvernement provincial et l’oblige à corriger les autorisations accordées aux entreprises minières pour l’extraction de lithium dans le Salar del Hombre Muerto à Antofagasta de la Sierra ».

La Cour a ordonné la réalisation d’un rapport d’impact environnemental présentant deux caractéristiques fondamentales (que les précédents n’avaient pas) : il doit être cumulatif et exhaustif pour l’ensemble du Salar et, en particulier, pour la rivière Los Patos. D’autre part, il doit prendre en compte l’impact total des entreprises qui ont demandé l’autorisation d’utiliser et d’extraire l’eau, et leur potentiel de transformation de l’environnement dans la même zone géographique.

Ce nouveau rapport doit mesurer l’impact de l’ensemble des projets de toutes les entreprises (et non de chaque projet individuellement). Il faut savoir dans quelle mesure tous les prélèvements d’eau de toutes les entreprises affecteront l’environnement en même temps. Cela fera une énorme différence dans les bilans et le résultat pourra donner aux habitants d’Antofagasta et à la communauté indigène, pour la première fois, une idée de l’ampleur et des conséquences socio-environnementales de l’activité minière sur leurs territoires.

L’autre point essentiel de l’arrêt est que la Cour « interdit au ministère des mines et au ministère de l’eau, de l’énergie et de l’environnement de la province d’accorder des autorisations ou des déclarations d’impact sur l’environnement pour de nouveaux travaux liés à la rivière Los Patos dans le Salar del Hombre Muerto ». Cela signifie qu’aucun autre permis ne peut être accordé. Dans un contexte d’expansion de tous les projets miniers dans la région, il s’agit d’un coup dur pour les actions menées par les entreprises en collaboration avec le gouvernement.

La plus haute juridiction provinciale reconnaît également « que le gouvernement de la province de Catamarca agit en violation systématique de la réglementation environnementale, en accordant des autorisations conditionnelles, sans connaître le véritable fonctionnement des bassins hydrographiques du Salar del Hombre Muerto, sans rapport d’impact environnemental cumulatif et complet et sans garantir la tenue d’une audience publique avec la communauté d’Antofagasta de la Sierra et une consultation préalable, libre et informée avec la communauté indigène des Atacameños del Altiplano ». Elle considère également que la communauté concernée ne dispose pas d’informations actualisées sur au moins huit projets d’extraction de lithium dans le même aquifère (aqueduc de la rivière Los Patos) ». (...)

Ce que l’arrêt met sur la table, c’est la vérité que les communautés et les assemblées indigènes proclament depuis cinq ans. C’est la même vérité que des milliers de personnes affectées dans tout le pays par le modèle de la méga-mine signalent, communiquent, diffusent, enquêtent et dénoncent. Un modèle impuni, corrompu, illégal et illégitime qui viole toutes les normes, procédures et lois qui protègent les citoyens. Sans le courage de Román Guitian, qui a fait l’objet d’intimidations, de persécutions et de tentatives de corruption répétées. Sans sa persévérance, les médias ne montreraient pas aujourd’hui cette vérité crue, qui devient maintenant – avec les mots de la Cour – tranchante et retentissante.

L’arrêt devra maintenant faire face aux diatribes du pouvoir en place et à tous ses artifices. Mais la vérité est déjà nôtre, elle appartient déjà aux citoyens. (...)

L’eau est indispensable à une vie digne, à l’économie régionale des cultures et des animaux, à la croissance et à l’existence millénaire de chaque village de la Puna. C’est pourquoi la phrase est simple et claire : l’eau vaut plus que le lithium. C’est aussi le soleil, notre soleil, qui ne peut être recouvert de nos mains.