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De quoi la « dématérialisation » des services publics est-elle le nom ? Les déshumanisateurs
#papiers #dematerialisation #servicespublics
Article mis en ligne le 20 avril 2024
dernière modification le 18 avril 2024

En octobre 2022, le gouvernement français annonçait la réouverture de cinq sous-préfectures. Mais, dans l’ensemble, les services publics tendent plutôt à fermer, à limiter les heures de réception des usagers ou à ne plus répondre au téléphone. À la place, il y a l’administration numérique, ses plates-formes qui rendent fou — « Erreur 404. La page que vous cherchez semble introuvable » —, ses applications qui excluent, et ses algorithmes intrusifs.

Revenu de solidarité active (RSA), allocation aux adultes handicapés (AAH), allocations familiales ou aides au logement : les prestations des caisses d’allocations familiales (CAF) profitent à trente-deux millions de personnes. Depuis 2010, à partir des données provenant des connexions aux sites, des réponses aux formulaires électroniques ou des échanges de courriels, un algorithme attribue à ces foyers un score de suspicion. Plusieurs circonstances augmentent la note — être au chômage ou au RSA, habiter un quartier défavorisé… — jusqu’au seuil qui déclenche le contrôle.

Le montant total récupéré en 2022, y compris les indus versés à la suite d’erreurs d’usagers perdus face aux multiples critères et pièces justificatives exigés pour percevoir les minima sociaux, ne représente qu’un centième des prestations versées. Mais la politique de surveillance algorithmique et la peur qu’elle inspire se traduisent par des économies indirectes. Car nombre d’usagers renoncent à leurs droits plutôt que de subir des contrôles toujours plus intrusifs et de rendre des comptes toujours plus compliqués : cette motivation expliquait un cas sur cinq de non-recours aux prestations sociales en 2021, contre moins d’un cas sur dix en 2016.

La « dématérialisation » contribue ainsi à limiter l’accès aux services publics à une partie de la population. (...)