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Alternatives Economiques/ Rachel Silvera Maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre
Avec Trump, le masculinisme est au pouvoir
#Trump #masculinisme #antifeminisme #sexisme #femmes
Article mis en ligne le 3 mai 2025
dernière modification le 2 mai 2025

Depuis la réélection de Donald Trump à la Maison-Blanche, les femmes et les minorités sexuelles sont fortement attaquées dans les discours et les politiques publiques. Quel rôle les débats féministes et sur l’identité de genre ont-ils joué dans les élections, et que donne le masculinisme au pouvoir ?

Alors que les personnes trans et non-binaires ne représenteraient qu’environ 1 % de la population américaine, les débats politiques qui ont précédé l’élection de Trump leur ont consacré une place considérable. On entend souvent que Kamala Harris aurait prêté trop d’attention aux femmes et aux minorités dans sa campagne, alors que ce sont les Républicains qui en ont le plus parlé. (...)

Une montée globale des thèses masculinistes

Trump représente par ailleurs « la "masculinité hégémonique", celle qui exalte les hommes dominants (…) Trump s’est entouré d’hommes qui véhiculent le stéréotype de l’homme alpha, rabaissent les femmes qui n’ont pas d’enfants et font l’éloge des valeurs familiales au détriment de l’émancipation des femmes », estime la chercheuse américaine Ashley Morgan.

Depuis le revirement de la jurisprudence américaine sur le droit à l’avortement en 2022, et surtout depuis la réélection de Trump, les réseaux sociaux diffusent des discours antiféministes flagrants, comme celui de l’influenceur d’extrême droite Nick Fuentes, qui a écrit sur X : « Ton corps, mon choix. A jamais. » L’un des alliés de Trump, John McEntee, soutient même dans une vidéo que le 19e amendement sur le droit de vote des femmes devrait être abrogé.

Ce mouvement masculiniste traverse l’élite politique et médiatique, mais aussi économique, comme on le voit avec Mark Zuckerberg qui a prétendu que les entreprises privées étaient « émasculées » et proposé de revaloriser « l’énergie masculine » en développant la compétitivité et l’agressivité des leaders.

Selon le chercheur québécois Francis Dupuis-Déri, deux facteurs expliquent cette poussée masculiniste. D’une part, le « backlash » (retour de bâton) contre les mobilisations féministes depuis #Metoo, de la part de certains hommes qui se sentent menacés et tentent d’inverser la situation, alors même que ces violences à l’égard des femmes sont toujours à l’œuvre.

D’autre part, la montée des courants d’extrême droite, misogynes, antiféministes et masculinistes, au-delà même des Etats-Unis, notamment représentés en politique par Jair Bolsonaro, Viktor Orban et Javier Milei. (...)

la victoire de Donald Trump s’explique avant tout (à 60 %) par le vote des hommes blancs, y compris diplômés. Mais il a aussi été élu par des femmes blanches (à 53 %), tandis que 91 % des femmes noires (et 60 % des femmes hispaniques) ont voté Harris. Surtout, 63 % des femmes blanches non-diplômées ont voté Trump (69 % des hommes blancs non-diplômés).

De nombreuses femmes auraient en effet cherché à se rassurer par le vote pour Trump, qui incarnerait une image « sécurisante, protectrice » ; de même, ces femmes blanches n’étaient pas enclines à soutenir une femme noire à la présidence… Certaines d’entre elles, y compris jeunes, soulignent que les femmes n’ont pas pour seul souci l’avortement, mais bien au contraire la défense de la famille. Et comment demander à Kamala Harris de les comprendre puisque, justement, elle n’a pas d’enfant ?

L’effet mobilisateur de la défense de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) n’a donc pas joué. Ce sont en réalité des courants familialistes, influencés par les milieux évangéliques mais aussi suprémacistes et racistes, qui ont convaincu ces nombreuses femmes de voter Trump (...)

L’existence naturelle et immuable de « seulement deux sexes » est donc imposée dans tous les documents administratifs nationaux, ainsi que dans les passeports, les visas. Les droits des personnes trans sont désormais attaqués : droit d’affirmer leur identité, de se soigner ou de s’éduquer, droit de s’exprimer…

D’autres directives mettent à mal la santé des femmes, notamment la fermeture d’un site gouvernemental sur les droits sexuels et reproductifs, la révocation de décrets Biden permettant l’accès à la pilule abortive et sécurisant les données personnelles des femmes recourant à l’IVG.

L’ambition du président américain est même de faire voter une interdiction nationale de l’IVG, alors qu’aujourd’hui près d’une Américaine sur trois entre 18 et 44 ans vit dans un Etat concerné par les restrictions à l’avortement.

Une atteinte catastrophique à la liberté scientifique (...)

Face à cela, des mobilisations ont lieu partout aux Etats-Unis, dans le monde de la recherche. Des activistes de l’archive s’efforcent de sauvegarder les données publiques américaines. Et de nombreux recours judiciaires sont préparés par diverses associations comme la National Organisation for Women pour bloquer toutes ces actions. (...)

Et de nombreux recours judiciaires sont préparés par diverses associations comme la National Organisation for Women pour bloquer toutes ces actions.

Mais on peut s’interroger sur la faible mobilisation féministe aux Etats-Unis, moins prononcée que lors du premier mandat de Trump : un effet probable de la sidération face à la violence de ces attaques.