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Mediapart
Après la condamnation de Marine Le Pen, une semaine d’intimidation mortifère
#extremedroite #justice #democratie
Article mis en ligne le 6 avril 2025

Les attaques contre l’idée même de justice après la condamnation de la cheffe de file du RN, qui manifeste dimanche à Paris, ne doivent pas être prises à la légère. Partout dans le monde, l’extrême droite accélère dans son projet de destruction des contre-pouvoirs et de remise en cause de l’État de droit.

De la condamnation de Marine Le Pen, lundi 31 mars, à la manifestation de soutien que le Rassemblement national (RN) organise dimanche 6 avril à Paris, la semaine qui vient de s’écouler a vu une accélération sans précédent de la trumpisation de la vie politique française : attaques contre l’autorité judiciaire, menaces visant les magistrat·es, remise en cause anticipée de la légitimité des résultats de la prochaine élection présidentielle… L’État de droit a été intimidé avec une intensité dont il convient de mesurer la gravité.

Depuis plusieurs jours, le RN et ses alliés objectifs se déchaînent dans les médias, criant à la « justice politique », au « scandale démocratique » et à la « dictature des juges ». Une offensive bruyante destinée à couvrir le cœur même de cette affaire : la mise en place, par un parti prétendant aux plus hautes fonctions politiques, d’un système de détournements de plus de 4 millions d’euros d’argent public pour rémunérer des emplois fictifs. Des faits que les principaux et principales intéressé·es, Marine Le Pen en tête, n’ont cessé de balayer pendant les années d’instruction puis les semaines d’audience.

Sitôt le jugement connu, et malgré le soin pris par la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis, de détailler les motivations de cette décision collégiale pendant près de trois heures, le débat s’est rapidement focalisé sur l’exécution provisoire de la peine. Partout, dans les médias et jusqu’aux bancs de l’Assemblée nationale, les indignations se sont cristallisées sur l’idée que Marine Le Pen puisse être empêchée d’accéder à l’Élysée, plutôt que sur le fait qu’elle y prétende après avoir été condamnée pour une telle atteinte à la probité. (...)

La liste de ses soutiens à l’étranger donne à elle seule une idée de l’abîme vers lequel le parti d’extrême droite cherche à nous entraîner. Les États-Unis de Donald Trump, donc, mais aussi la Russie de Vladimir Poutine, la Hongrie de Viktor Orbán – qui se sont emparés de l’affaire si vite lundi 31 mars que l’énoncé du jugement n’était même pas terminé dans la salle d’audience –, l’Italie de Giorgia Meloni… Tou·tes les responsables politiques qui considèrent que la justice est un contre-pouvoir illégitime et pourfendent les libertés publiques ont uni leurs voix pour attaquer la décision judiciaire française. Et à travers celle-ci, nos fondamentaux démocratiques.

Selon leur modèle, qui est aussi celui du RN, les responsables politiques n’auraient aucun compte à rendre sur leur respect du droit, sinon à leur électorat. (...)

Irresponsabilité pour les politiques, fermeté pour les autres

C’est dans cette perspective que le RN appelle à une grande mobilisation dimanche, comme le premier tour d’une sorte de « Capitole des esprits ». Pour ce faire, le parti d’extrême droite peut s’appuyer sur l’exemple de François Fillon qui avait réuni « le peuple du Trocadéro » en 2017 pour faire pression, déjà, sur la justice. Ou sur celui de Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, qui s’était mêlé à une manifestation de policiers en 2021 pour faire pression, encore, sur la justice. Ou sur celui de son successeur Bruno Retailleau, qui a récemment rejoint un rassemblement similaire, et parle de « juges rouges », augmentant, toujours, la pression sur la justice.

Car si le RN est aujourd’hui aussi à l’aise dans son attaque contre les institutions, et s’il rencontre un tel écho au-delà de ses rangs, c’est aussi parce que la voie lui a été pavée depuis plusieurs années par les forces politiques qui étaient précisément censées lui barrer la route. On ne compte plus, au gouvernement, les offensives contre les contre-pouvoirs, les volontés de sortie de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ou les remises en cause de notre État de droit. (...)

« Ouvrons bien les yeux » dimanche. Et regardons en face le monde dans lequel l’extrême droite et ses alliés veulent nous précipiter.