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Mediapart
Marine le Pen peine à mobiliser et rejoue le couplet de la persécutée
#RN #MarineLePen #justice
Article mis en ligne le 7 avril 2025

La manifestation de soutien organisée le 6 avril, à Paris, par le Rassemblement national, n’a pas mobilisé les foules, mais elle a été une nouvelle occasion pour Marine Le Pen d’attaquer « le système » et la justice.

Dimanche après-midi, derrière l’hôtel des Invalides dans le VIIe arrondissement de Paris, la place Vauban était loin d’être remplie en dépit de ce qu’espéraient les cadres du Rassemblement national (RN), à l’initiative de cette manifestation de soutien à Marine Le Pen, à la suite de la condamnation de la cheffe de file du parti d’extrême droite, le 31 mars à cinq ans d’inéligibilité et quatre ans de prison pour détournements de fonds publics. (...)

Alors que 8 000 manifestant·es étaient attendu·es par les organisateurs et que le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, en annonçait 10 000, ils étaient certainement plus proches des 4 000. Les forces de police, en revanche, étaient présentes en nombre pour quadriller la place. Il n’y a pas eu de débordement.

Le parti avait organisé la venue des journalistes – environ 300 avaient demandé à couvrir le meeting – en rendant obligatoire leur accréditation et leur placement sur le côté de la place, dans un carré dédié. Tout a été fait pour contrôler la couverture de cette journée. Jusqu’au mot d’ordre de la journée, « Sauvons la démocratie », alors même qu’il est question d’en démolir l’un des principaux piliers : la justice. (...)

Les « fédérations qui en ont les moyens ont payé le transport en affrétant des bus », précise Damien, un des assistants parlementaires du député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy. « Nous avons emmené avec nous près de cinquante militants, poursuit-il. Tout a été organisé dès le soir de la condamnation avec Jordan Bardella et toutes les fédérations en visio pour préparer une action. » Le temps « pressait et a été court pour organiser ce meeting », dit-il, gêné en observant une place très clairsemée. (...)

« Nous ne sommes pas là contre la justice mais contre l’injustice et pour l’État de droit », conclut Damien. Rien n’est moins sûr, à entendre le discours de la cheffe de file de l’extrême droite. Ayant « une sainte horreur de l’injustice et de la partialité », elle se dit victime « d’un combat judiciaire [qui] fait partie intégrante d’un parti politique ». Un discours relayé par nombre de ses soutiens, qui n’hésitent pas à fustiger les « juges rouges », comme Jacques, venu de Cherbourg. (...)

Sur l’estrade, Marine Le Pen s’en prend, elle aussi, avant tout, au Syndicat de la magistrature, accusé d’épingler « sur un tableau de chasse juridique » les élu·es. Puis elle pointe la magistrate, sans la nommer, qui « du Syndicat de la magistrature » et qui a pris « une décision qui n’est pas une décision de justice mais une décision politique » et qui aurait décidé de « l’éliminer de la vie politique ». (...)

Sans apporter de précision sur le fond de sa condamnation, Marine Le Pen a déclaré ne pas « s’être battue pour elle-même ou des avantages ». L’absence d’enrichissement personnel – bien que le système mis en place ait largement participé à améliorer leur confort de vie – est l’un des arguments du RN utilisé pour minimiser le détournement de fonds publics dont la justice a estimé le préjudice à 4,1 millions d’euros. (...)

Des arguments qui font mouche

Marine Le Pen a donc appelé à « affronter les forces du système dont le seul projet est de se maintenir quelle que soit la bassesse de moyens pour y parvenir ». Une promesse de purge lancée à demi-mot qui n’était pas pour déplaire à Raphaël, 30 ans, venu d’Amiens. Ancien sympathisant communiste, il milite pour l’extrême droite depuis une dizaine d’années, « depuis la trahison de la gauche ». Aujourd’hui, il serait prêt à soutenir « Marine jusqu’au bout ». « S’il faut envahir le Conseil constitutionnel, je le ferai, car la révolution commencera par des purges. » (...)

Près de la statue du maréchal Émile Fayolle, un autre militant RN boit les paroles de Marine Le Pen. À l’écouter, on sent que les éléments de langage rabâchés toute la semaine par les porte-parole du parti ont fait leur effet. Risque de récidive nul, justice manipulée qui chercherait à barrer la route à Marine Le Pen vers l’Élysée, magistrats penchant à gauche, tout y passe. (...)

Sur la place Vauban, en ce dimanche ensoleillé, c’est plus par affection pour Marine Le Pen qu’on s’est déplacé de toute la France, que par hostilité à l’égard de sa condamnation pour détournements de fonds publics. D’ailleurs, les sympathisants RN se trouvent souvent bien embêtés pour justifier les reproches adressés à la justice, accusée d’empêcher le destin politique de la triple candidate à l’élection présidentielle. (...)

Chez eux, la marque « Le Pen » reste un carburant de mobilisation sans pareil. Jordan Bardella en sait quelque chose. Mis au-devant de la scène, c’est pourtant la nièce de la cheffe de file du parti, Marion Maréchal, qui, à l’applaudimètre, semble retenir la préférence des militants. (...)

Parmi les intervenants, c’est le dernier rallié au RN, le président de l’Union des droites pour la République (UDR), Éric Ciotti, qui a été le plus loin dans le procès de la justice auquel était dédié ce meeting, quitte à flirter avec les appels à la sédition. (...)

« Selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugent de cour vous rendront blanc ou noir », à ces mots, la foule a acclamé Louis Aliot, vice-président du RN, lui aussi condamné par le tribunal pour détournement de fonds publics. (...)

Le vice-président du RN n’a pas hésité à dire « qu’aucun argent public n’a[avait] été détourné ». Le parti d’extrême droite serait donc victime d’une « construction fictive », allant jusqu’à alléguer que « des faux en écritures publiques » ont été faits pour les condamner.

Prenant pour exemple des trafiquants de drogue qui seraient, selon lui, trop faiblement condamnés, il n’y a qu’un pas, qu’il franchit sans difficulté, pour en conclure que « les décisions de justice mettent en péril la démocratie ».

Avant le tour de parole de Jordan Bardella, sur les écrans qui entourent la scène sont projetés des extraits d’interviews de politiques soutenant Marine Le Pen. C’est toute l’extrême droite européenne qui défile avec notamment l’Italien Matteo Salvini et le Hongrois Viktor Orbán, qui a récemment promis d’éliminer ses opposants politiques, les juges, les médias, et les ONG.

« Injuste et scandaleuse », Jordan Bardella emboîte ainsi le pas de ses prédécesseurs sur le podium, Louis Aliot et Éric Ciotti, pour qualifier une décision de justice motivée de façon « grossière et militante ». Se défendant de « remettre en cause la séparation des pouvoirs », il a néanmoins appelé à « s’indigner face aux pressions de certaines organisations » visant directement « le Syndicat de la magistrature » et le « tiers des magistrats syndiqués » qui « ont fait appel à faire barrage » au parti d’extrême droite. Le président du RN a appelé les militants à combattre contre « cette chasse à l’homme lancé par la gauche » et continuer de soutenir un parti qui saura mettre fin « au politiquement correct, au wokisme et à l’islamisme ».

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 (Libération)
Au meeting du RN place Vauban, « heureusement que les vidéos des télés donnent l’impression qu’il y a du monde »

Devant quelques milliers de personnes à Paris, ce dimanche 6 avril, Marine Le Pen et ses soutiens ont renouvelé leurs charges contre la justice qui a condamné la candidate à la présidentielle à cinq ans d’inéligibilité.

Tout ça pour ça. Après une semaine à appeler à « sauver la démocratie » et à crier au complot des « juges rouges », Marine Le Pen a échoué, ce dimanche 6 avril, à remplir une place parisienne de taille moyenne avec ce « peuple » qui, assurait son parti, grondait massivement contre une décision inique. « Vous êtes plus de 10 000 », a osé Bardella depuis l’estrade, alors que les drapeaux tricolores distribués avec prodigalité permettaient de renvoyer de belles images soigneusement cadrées mais masquaient difficilement le reste de la place, franchement dégarnie. « C’est chaud, heureusement, les vidéos des télés donnent l’impression qu’il y a du monde, mais s’ils font un plan aérien, on est morts », glissait, dépité, un cadre d’extrême droite. La préfecture de police de Paris en a très généreusement compté 7 000. Le parti en attendait 8 000. (...)