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Mediapart
Tapachula, prison à ciel ouvert
#migrations #Mexique #frontieres
Article mis en ligne le 1er juillet 2023
dernière modification le 30 juin 2023

Tapachula, à l’extrême sud du Mexique, est la principale ville frontière avec le Guatemala. Elle est devenue l’un des épicentres de la crise migratoire où les personnes exilées doivent demander leur permis de migration vers les États-Unis avant de poursuivre leur voyage. Bloquées, des milliers de personnes y vivent avec un accès limité aux services de base tels que la nourriture, le logement et les soins médicaux.

Sur la route côtière de Tapachula à Arriaga (Chiapas, Mexique), le 23 avril 2023. Environ 3 500 personnes rassemblées dans la Caravana Viacrucis Migrante, une marche collective organisée par l’association Pueblo Sin Fronteras, quittent Tapachula à destination de Mexico, à près de 1 200 kilomètres au nord. Les migrant·es, principalement originaires du Venezuela et d’Amérique centrale, mais aussi du Soudan, de Chine ou du Cameroun, parcourront plus de 60 kilomètres, malgré des températures atteignant 38 °C. Après cinq jours de négociations, l’Institut national des migrations a accepté de leur délivrer des permis humanitaires leur permettant de circuler pendant quarante-cinq jours sur le territoire mexicain.

La première caravane de migrants est partie de Tapachula en 2018, lorsque 10 000 personnes ont commencé à marcher ensemble pour revendiquer la liberté de circulation et se protéger des dangers du territoire mexicain comme les agressions, les contrôles et les extorsions de la part de groupes criminels et des autorités. (...)

Parc central Miguel Hidalgo, Tapachula, le 23 avril 2023. Tapachula est un melting-pot de cultures. Son territoire abrite des communautés indigènes mam, kakchiquel et tzotzil ; de nombreux habitant·es ont des origines guatémaltèques ou honduriennes. Au fil des siècles, des personnes venues d’Allemagne, du Japon et du Liban ont également émigré ici. Tapachula, principale ville frontière avec le Guatemala, demeure une ville de passage pour les migrant·es. Ces dernières années, des personnes originaires d’au moins 90 pays, dont le Venezuela, le Nigeria, l’Afghanistan ou encore l’Ukraine, y sont passées. Selon la Commission mexicaine d’aide aux personnes réfugiées (Comar), en 2021, 130 863 personnes ont demandé le statut de réfugié dans le pays. Le Mexique est ainsi devenu le troisième pays au monde pour le nombre de demandeurs d’asile, après les États-Unis et l’Allemagne. Près de 90 000 de ces demandes ont été déposées à Tapachula, dépassant la capacité des autorités. (...)

La plupart des Haïtien·nes qui arrivent aujourd’hui au Mexique ont commencé leur périple migratoire après le tremblement de terre qui a dévasté leur pays en 2010. Ils se sont d’abord installés au Brésil et au Chili. Les conditions politiques, économiques et sociales de ces pays devenant de plus en plus inhospitalières, beaucoup ont entrepris le voyage vers le nord. (...)

Centre de détention de migrants Siglo XXI, Tapachula, le 21 avril 2023. Un groupe de migrant·es, emmené par l’association Pueblo Sin Fronteras, manifeste devant le centre de détention pour demander justice pour les 40 migrants décédés au mois de mars précédent dans l’incendie d’un autre centre de détention de migrants, celui de Ciudad Juárez, à la frontière avec les États-Unis. Des mannequins représentant le président mexicain Andrés Manuel López Obrador et le directeur de l’Institut national des migrations, Francisco Garduño Yáñez, sont brûlés et leurs cendres utilisées pour tracer un signe de croix sur le front des manifestants en référence à la souffrance qu’ils subissent lorsqu’ils traversent le Mexique.

Le centre de détention de Tapachula, le plus grand du Mexique, a ouvert en 2006. (...)

Les rues, les places et les hôtels de Tapachula regorgent d’histoires douloureuses. De nombreux personnes arrivent ici avec des deuils inachevés, de la frustration, de la tristesse. Elles gardent en mémoire des personnes et des lieux aimés. Mais tout cela ne semble pas avoir sa place ici : les frontières, et les politiques migratoires axées sur la détention et l’expulsion, agissent comme des ciseaux tranchants qui amputent les histoires personnelles.