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Bioconsomm’acteurs
"Nous ne sommes pas des magiciens mais des agriculteurs dans une démarche de progrès permanente"
Stéphanie Pageot est présidente de la Fédération nationale d’agriculture biologique.
Article mis en ligne le 4 septembre 2016
dernière modification le 2 septembre 2016

En agriculture bio, on essaie de travailler avec la vie et non contre elle. Concrètement, que faites-vous pour les ravageurs et les maladies ?

Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est que les maladies ou ravageurs présents dans les cultures ne sont que le résultat d’un déséquilibre du sol, des plantes ou du climat. Il faut donc absolument essayer d’établir un équilibre global sur nos fermes. Ce qui n’est pas simple, au regard des variations climatiques, de plus en plus intenses ces dernières années.

Bien sûr, il y a des ravageurs. Mais à vouloir les tuer à tout prix avec des pesticides, on finit toujours par perdre. Prenez le cas des insectes aux Etats-Unis (voir l’article du Monde du 20 août dernier). Il y en a plein qui se sont adaptés aux insecticides chimiques de synthèse. Maintenant ils prolifèrent, au point d’inquiéter les autorités ! Les pesticides engendrent donc des insectes mutants dont on ne sait plus comment se débarrasser, et en plus, ils tuent les espèces qui ne nous gênent pas, voire qui nous aident, comme les oiseaux et les insectes pollinisateurs. C’est une fuite en avant.

En bio, nous privilégions les observations du monde végétal et animal, et essayons de nous appuyer sur les ressources que la nature nous offre. Et pour pouvoir produire des aliments de qualité, il faut qu’on s’adapte en permanence à ses aléas (...)

Le règlement bio européen est ce qu’il est. Mais la bio est en train de changer d’échelle en France. En tant qu’agriculteurs bio, nous nous apercevons que nous sommes au cœur des questionnements de notre société. C’est pour cela que le mouvement de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB), qui a été créé en 1978 par 4 paysans, a actualisé son positionnement dans une nouvelle charte qui réaffirme nos valeurs. Elle dit clairement que la bio dépasse les seules pratiques agricoles, et concerne aussi l’économie, les rapports sociaux dans la filière, les liens politiques entre ces innovations agricoles et le reste de la société. Cette charte donne une orientation claire du projet politique que nous portons. (...)
La bio, c’est avant tout mettre l’humain au cœur de la production agricole.
Concrètement, la bio représente de la ressource humaine, dans une période marquée par le chômage de masse. Une récente étude du ministère (Agreste, juillet 2016) montre que la pratique de l’AB est plus créatrice d’emploi.

Ensuite, la bio permet de recréer de l’activité économique dans les territoires ruraux, grâce à des circuits de proximité innovants (amap, paniers, magasins de producteurs, etc.) et plus largement grâce à une approche circulaire de l’agriculture (...)

A plus grande échelle, la bio induit aussi une sorte de réciprocité intéressante entre le rural producteur de matières naturelles (eau, alimentation) et l’urbain ou le péri-urbain, sauf que là le rural tire son épingle du jeu et garde la valeur ajoutée de sa production. C’est cette réciprocité qui intéresse les citoyens, ils n’ont pas envie de se promener dans une campagne "musée" ou "substrat" de productions intensives qui désertifient nos territoires.

Enfin, manger bio c’est avaler peu voire pas de pesticides, donc avoir une meilleure santé (...)

Mais comment, alors, peut-on rendre la bio plus accessible ?

Nous travaillons le sujet de l’accessibilité de différentes manières. D’abord sur une offre bio et locale, qui permet aux consommateurs d’être au plus proche des fermes et de gagner en prix sur les produits de saison. Ensuite, il faut améliorer - avec les distributeurs spécialisés et généralistes - la chaine d’approvisionnement en amont. Ca, c’est un grand chantier, une question d’organisation entre amont et aval qui est centrale aujourd’hui, qui doit nous permettre de gagner en compétitivité prix sans remettre en cause le "juste prix" payé au producteur.
Enfin, il nous faut promouvoir des circuits de proximité à dimension sociale, comme avec la restauration collective (cantines, restaurants d’entreprises etc.) ou des démarches d’économie sociale et solidaire (paniers solidaires etc.). (...)