La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a débattu, mercredi 5 novembre, de la pétition aux plus de deux millions de signatures. Malgré la censure du Conseil constitutionnel, beaucoup défendent encore le retour des néonicotinoïdes.
Les plus de deux millions de signatures contre la loi Duplomb et la décision du Conseil constitutionnel, qui a censuré son article le plus contesté, n’ont-elles jamais existé ? À écouter le débat en commission des affaires économiques, mercredi 5 novembre à l’Assemblée nationale, c’est tout comme. Du « bloc central » à l’extrême droite, les positions n’ont pas bougé d’un iota chez les parlementaires qui défendaient déjà, au printemps, cette loi qui ouvrait la voie au retour des néonicotinoïdes.
Malgré ce qui était inscrit à l’ordre du jour, la discussion n’a d’ailleurs pas tant porté sur l’examen de la pétition lancée le 10 juillet par Éléonore Pattery que sur l’intérêt et les dangers d’une réautorisation de l’acétamipride, le néonicotinoïde ardemment demandé par les représentants de la filière noisettes et sorti du texte par le Conseil constitutionnel.
Un sujet qui vire presque à l’obsession, tandis que les autres dimensions de cette loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », comme les mesures favorisant l’élevage intensif et le développement du stockage d’eau, ont à peine été abordées.
Les deux rapporteuses de cette discussion, Hélène Laporte (Rassemblement national, RN) et Aurélie Trouvé (La France insoumise, LFI) avaient préalablement auditionné une vingtaine d’organismes, agricoles, scientifiques et médicaux. De nouveaux avis ont ainsi été présentés aux parlementaires ces deux dernières semaines, notamment ceux du Conseil national de l’ordre des médecins, de la Ligue nationale contre le cancer, ou encore du biologiste Philippe Grandcolas du CNRS. Face aux risques que présente la molécule pour la santé publique et la biodiversité, ceux-ci ont recommandé l’application du principe de précaution. (...)
Opinions renforcées
Quant aux préoccupations de santé publique, elles ont été balayées jusqu’au sein même de la Macronie. Sandra Marsaud, députée d’Ensemble pour la République (EPR) en Charente, a dénoncé ceux qui veulent « faire croire aux parents que l’environnement est responsable du cancer de leur enfant » et les stratégies consistant à « invoquer les cancers de l’enfant pour faire plus de buzz et provoquer de l’émotion ».
Son collègue Jean-Luc Fugit, élu du Rhône, a estimé en séance que les auditions n’avaient rien apporté de nouveau. À la sortie, il assume auprès de Mediapart n’avoir pas changé de position par rapport au printemps dernier, quand il soutenait la loi Duplomb (...)
Aurélie Trouvé, pour LFI, a assuré que le risque de lien avec le cancer était « suffisamment fort » pour faire appliquer le principe de précaution. « C’est précisément ce qui n’avait pas été fait dans le cas du chlordécone, et on connaît les dégâts. C’est un principe philosophique, moral, et politique. » « La pétition contre la loi Duplomb, c’est un cri pour plus de démocratie dans l’alimentation, a également souligné Boris Tavernier, député du Rhône pour Les Écologistes. Entendons ce cri. »
L’examen de la pétition se poursuivra en séance plénière, selon l’engagement qu’avait pris la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Si la date n’est pas encore officiellement décidée, les agendas semblent converger, à ce stade, vers la semaine du 24 novembre. Cette semaine-là est par ailleurs celle de la niche parlementaire de LFI.
Le parti y présentera sa proposition d’abrogation de la loi Duplomb, un texte qui veut également interdire l’importation en France de produits « contenant de l’acétamipride ». « On veut un vote, on ne veut pas lâcher l’affaire », explique le député girondin Loïc Prud’homme, l’un coauteurs de la proposition de loi.
Laurent Duplomb, quant à lui, a déjà annoncé sa volonté de proposer un nouveau texte pour réussir à faire passer la réautorisation de l’acétamipride à laquelle il travaille depuis l’an dernier. Le sénateur de Haute-Loire du parti Les Républicains (LR), avec Franck Menonville, sénateur de la Meuse pour l’Union des démocrates et indépendants (UDI), prépare une proposition de loi pour début 2026. « L’idée est de tirer les enseignements de la censure du Conseil constitutionnel, et d’avoir une dérogation pour l’acétamipride plus encadrée et plus limitée dans le temps. Les “sages” veulent plus de garanties, on va les leur donner », précise Franck Menonville à Mediapart.