
Les terres agricoles de Ma Shi Po, l’un des derniers villages ruraux de l’ancienne colonie britannique redevenue chinoise, sont dans le viseur d’un promoteur immobilier. Les paysans résistent comme ils peuvent à la fièvre bâtisseuse qui a déjà recouvert de béton une grande partie de la « région administrative spéciale » de Hong Kong.
– Hong Kong (Chine), reportage
Il fait 36 °C. L’humidité est à peine supportable. Sous un soleil de plomb, les moustiques et les mouches des sables se sont donné rendez-vous pour le banquet de l’année. Au nord de Hong Kong, dans le village de Ma Shi Po, deux camps se regardent en chiens de faïence. Qui des 150 gardiens du promoteur immobilier Henderson ou des militants enfermés dans leur tour de palettes cédera en premier ? Tous les coups sont permis, y compris placer une barquette de viande au pied de la tour pour attirer les insectes. On ravitaille les six courageux avec des sacs de nourriture, de l’eau, mais également des batteries de portables pour pouvoir communiquer avec l’extérieur. (...)
Les deux camps se disputent un bout de terrain qui est un témoignage vivant de l’histoire de Hong Kong. La mégalopole s’est métamorphosée depuis l’instauration du régime communiste en 1949. À l’époque, une vague de migrants fuyant le continent déferle sur ce qui était alors une colonie britannique. La population n’a alors plus cessé de croître, passant de 750.000 habitants à plus de 7 millions en soixante ans. Il faut construire. On détruit les villages de pêcheurs, on agrandit les tours, on bâtit sur la mer, on pousse les murs jusqu’aux pieds des collines qui forment le paysage de Hong Kong. Chaque plaine constructible est utilisée. (...)
« C’est dur d’être pédagogue et d’expliquer ce qui se passe, c’est peut-être loin des préoccupations quotidiennes des gens. Nous ne sommes pas avocats, c’est aussi dur de se battre légalement. » Pour épuiser les militants, le promoteur et le gouvernement ont tronçonné le budget en plusieurs projets afin de multiplier les recours nécessaires à la contestation. (...)
Il reste très peu de terres agricoles à Hong Kong, seulement 4 %. Et, à l’heure des scandales sanitaires venus de Chine continentale, le territoire ne produit que 2 % de la nourriture qu’il consomme. Kai Kai, une des responsables de la communauté de Mapopo, s’en alarme : « Il n’y a pas de volonté pour sauvegarder ces terres aujourd’hui à Hong Kong, plus de 80 % d’entre elles sont abandonnées, le gouvernement agit de manière totalement irresponsable. » Elle compare le promoteur immobilier à un cancer qui s’étend petit à petit à mesure qu’il arrive a racheter des parcelles. (...)