C’est un livre écrit dans la fièvre. Dans « La gauche n’a plus le droit à l’erreur », Michel Rocard, 82 ans, et l’économiste PS Pierre Larrouturou, 48 ans, unissent leurs talents pour décrypter la « crise économique sans fin » traversée par le monde depuis que se sont refermées les Trente Glorieuses. Ils proposent des solutions d’urgence. Car il y a urgence, selon eux. Alors que tous les regards sont tournés vers le « Lincoln » de Steven Spielberg, Rocard et Larrouturou en appellent à un nouveau Roosevelt.
Pierre Larrouturou. Nous subissons depuis trente ans les effets de la révolution de la productivité ajoutés à ceux de la contre-révolution libérale. Ce sont avant tout et surtout les gains de productivité fabuleux de nos industries qui ont détruit l’emploi. Nous n’avons pas su gérer cela.
Parallèlement, les paradis fiscaux accueillent aujourd’hui près de la moitié des liquidités mondiales. Voilà le mélange explosif à l’origine de cette lente mais très puissante déflagration. Le capitalisme, depuis trente ans, a renoué avec ses contradictions congénitales. Et la gauche a perdu dans les années 1970 la bataille qui aurait permis de moderniser, consolider et étendre au monde entier les régulations des Trente Glorieuses.
Michel Rocard. Cette défaite tient aux excès de la cupidité des couches supérieures, qui ont déréglé d’abord l’équilibre entre les salariés et les entreprises, puis aux excès des besoins privés, qui ont écrasé les besoins collectifs mais aussi l’équilibre spécifique des banques et des marchés financiers.
Collectivement, nous devrions plaider coupables. (...)