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Mediapart
« Tesla Files », le livre qui menace le business d’Elon Musk
#Tesla #Musk #autopilot
Article mis en ligne le 22 novembre 2025
dernière modification le 18 novembre 2025

Publié en allemand et en anglais, l’ouvrage de deux journalistes allemands, alimentés par un lanceur d’alerte, détaille les dangers du système Autopilot de la célèbre marque automobile, responsable de nombreux accidents. Une réalité que l’entreprise cherche à camoufler à tout prix.

LeLe nom de l’un est connu de toutes et tous ; celui de l’autre reste ultraconfidentiel en France. D’un côté, Elon Musk, l’incontournable patron de Tesla, SpaceX et X (ex-Twitter), qui vient de se voir accorder par les actionnaires de son entreprise de voitures électriques une ahurissante rémunération exceptionnelle qui pourrait monter à 1 000 milliards de dollars d’ici à 2035. De l’autre, Lukasz Krupski.

Qui ? Ce modeste technicien d’origine polonaise travaillait pour Tesla en Norvège jusqu’en 2022. Il est surtout le lanceur d’alerte à l’origine d’une gigantesque fuite de données de l’entreprise en direction du Handelsblatt. À partir de fin 2023, le respecté quotidien économique allemand a publié une longue série d’articles, qualifiés de « Tesla Files », dévoilant les secrets d’Elon Musk et de son business.

C’est cette collision entre le technicien obscur et le célébrissime homme d’affaires, et les dizaines d’articles qui ont suivi, qui est racontée par les journalistes du Handelsblatt, Sönke Iwersen et Michael Verfürden, dans The Tesla Files, un livre paru en allemand en mars, et en anglais au mois d’août.

L’ouvrage n’est pas encore traduit en France et le travail qu’il résume a à peine atteint notre pays (bien qu’un livre récent évoque les articles du journal allemand). Et on se demande bien pourquoi. Lukasz Krupski a fourni aux journalistes cent gigaoctets de données internes, dont des informations cruciales sur les failles du fameux Autopilot de Tesla, ce logiciel permettant prétendument aux véhicules de la marque de se conduire sans intervention humaine.

Les révélations ont fait la une de médias du monde entier et ont valu en 2023 à l’ex-technicien, licencié un an plus tôt, un prix destiné aux lanceurs d’alerte, le Blueprint Europe Whistleblowing Prize. Et le livre écrit à partir de ses révélations vient d’obtenir le prix spécial du jury récompensant le meilleur ouvrage d’économie en Allemagne.

En novembre 2022, le lanceur d’alerte est entré en contact avec Sönke Iwersen, qui dirige l’équipe d’investigation du Handelsblatt. Auparavant, l’homme avait tenté de joindre diverses autorités de régulation et d’autres médias un peu partout dans le monde. Mais quand le contact a été établi, le journaliste n’a pas sauté de joie devant la mine de documents qui lui tombaient soudainement entre les mains. (...)

Les dangers de l’Autopilot

Comme le martèlent les deux journalistes allemands dans leur livre, la fonction « Full Self-Driving » (« conduite entièrement autonome ») est en fait peu fiable, et la direction de Tesla en est consciente, sans doute depuis le lancement de son fameux Model S en 2012. Mais il aura fallu attendre septembre 2024 pour que le groupe annonce que son Autopilot ne peut fonctionner que « sous surveillance humaine ». (...)

Le logiciel présente en effet des failles qui peuvent se révéler très dangereuses. Et les client·es de Tesla sont des milliers à le dire, depuis au moins dix ans (...)

Selon les autorités, au moins douze personnes sont mortes aux États-Unis à cause des erreurs du logiciel. En Allemagne, le tribunal de grande instance de Berlin a même déclaré qu’un « Autopilot enclenché signifie un danger sur les routes ». (...)

En août, Tesla a aussi été condamnée pour la première fois aux États-Unis à une très lourde amende de plus de 200 millions d’euros pour son implication partielle dans un accident mortel en avril 2019.
Données non fournies

Et c’est dans ce contexte qu’il faut lire les principales révélations du livre : les Tesla sont « une inquiétante boîte noire », et dans le cas de certains accidents mortels, « les informations critiques sont soustraites à l’examen du public ». Certaines des consignes de l’entreprise en cas d’accident sont limpides : « Si vous devez partager des informations avec le client, faites-le ORALEMENT. » ; « NE FOURNISSEZ PAS les données d’un véhicule au client sans permission explicite. » (...)

pour certains accidents, dans lesquels la responsabilité de l’entreprise n’est pas mise en cause, les informations réapparaissent. Tout à coup, l’entreprise est capable de « montrer exactement quand [les occupants] ont ouvert une porte, détaché une ceinture de sécurité et avec quelle force le conducteur a appuyé sur l’accélérateur », notent les auteurs, pour qui « les données sont là, jusqu’à ce qu’elles ne le soient plus ». (...)

L’entreprise reste silencieuse

Les articles et le livre The Tesla Files sont donc une sérieuse épine dans le pied de l’entreprise. D’autant que la justice norvégienne a donné raison en août à Lukasz Krupski, dont l’appartement situé dans le pays avait été perquisitionné en 2023 à la demande de Tesla. Les juges ont décidé que l’ex-salarié avait le droit de transmettre des informations à des journalistes et ont ordonné à l’entreprise de lui verser jusqu’à 170 000 euros de dommages-intérêts et de frais de justice. (...)

Les journalistes, eux, n’ont jamais rien eu à craindre de l’entreprise. Elle n’a répondu à aucune de leurs questions, ni fait le moindre commentaire sur leur travail. Quand ils l’ont questionnée la première fois en 2023, elle leur a demandé de détruire les documents en leur possession – confirmant implicitement qu’ils étaient authentiques. Puis elle s’est murée dans le silence. (...)