Trois sociétés minières sur quatre ont leur siège social au Canada. Pourquoi un tel attrait ? Le Canada est un véritable paradis pour ces entreprises :
elles peuvent y spéculer tranquillement sur les gisements du monde entier tout en y étant protégées en cas de crimes environnementaux et de violations de droits humains. Une réalité bien éloignée de l’image plutôt sympathique que véhicule le pays. Entretien avec Alain Deneault, coauteur du livre enquête Paradis sous terre. (...)
Il y est plus facile de spéculer en bourse sur la valeur présumée d’un gisement minier. On peut y mettre en valeur non seulement les « réserves » qu’une mine contient, soit ce qu’il est effectivement possible d’extraire, que les « ressources », c’est-à-dire tout ce qu’une mine contient et que l’on pourrait éventuellement exploiter. Ainsi, à la bourse de Toronto, il est possible de valoriser une richesse avérée, mais également la ressource présumée ou espérée : une richesse plus grande que ce qui a été évalué par les géologues, en fonction des évolutions des techniques ou des coûts d’exploitation. La bourse de Toronto a ainsi longtemps été très spéculative, jusqu’au scandale Bre-X, une société canadienne qui a gonflé artificiellement les réserves espérées de ses mines d’or, avant de faire faillite, faisant perdre 4,7 milliards d’euros à ses actionnaires en 1997.
L’industrie minière dispose ainsi d’une manne d’argent drainée par la Bourse de Toronto, issue des fonds de pensions, des compagnies d’assurance et des banques. (...)
Le Canada n’est ni une nation ni une république, mais une colonie qui a mis en place des institutions spécialement pour exploiter les ressources naturelles. Aujourd’hui, les gaz de schiste, le pétrole issu des sables bitumineux ou les mines d’amiante constituent des legs coloniaux. (...)
L’Europe importe la majeure partie de ses minerais. Si elle décide de relancer l’extraction, les entreprises canadiennes d’exploration risquent fort de débarquer. La question du droit du sous-sol ne doit pas se penser au détriment du droit à la propriété foncière. Et il faut différencier les types d’exploitation : extraire de l’or, de l’uranium ou du diamant n’a pas les mêmes conséquences ni la même pertinence que le cuivre ou le fer. L’or, c’est de la folie : des centaines de litres d’eau à la seconde avec l’utilisation de produits chimiques toxiques qui provoquent l’apparition d’arsenic. Quant aux royalties, si tant est qu’on juge sensé de permettre certains chantiers d’exploitation, il faut les prévoir à la source, dès que le minerai est prélevé, pour que les redevances ne concernent pas que les profits. Sinon, cela revient à dire à une entreprise : prend mon or ou mon cuivre, et si tu réalises des marges en les revendant, je te prendrai un pourcentage. Ce ne serait pas sérieux ! Heureusement, des garde-fous se manifestent plus rapidement en Europe en cas de dérapages. Je rappelle qu’en Argentine, BarrickGold a voulu dynamiter un glacier en haute montagne !