
Depuis près de vingt ans, un "irrégulomadaire" satirique secoue le cocotier politico-médiatique nantais. Créé par une bande de potes et porté par des volontaires, La Lettre à Lulu expérimente une pratique trop souvent oubliée par les journaux actuels : l’indépendance.
c’est autant le plaisir de voir leur bébé en kiosques que la volonté de combler un vide laissé par les journaux existants qui a motivé le lancement de ce journal satirique. « La presse locale n’est ni vraiment géniale, ni totalement catastrophique. Ils n’asticotent pas les gens au pouvoir sauf si quelqu’un l’a déjà fait ou s’il y a une procédure judiciaire, et ce quel que soit le bord politique. Ils ne cherchent pas la confrontation, ils ne vont pas au charbon, ce n’est pas dans leur ADN », regrette Nicolas.
Il regrette « l’autocensure » pratiquée par les journalistes de presse quotidienne régionale mais conçoit qu’il soit malaisé d’être très critique pour « un correspondant local qui se coltine le maire tous les jours et qui a besoin de lui pour avoir ses infos », relate ce cinquantenaire.
A mille lieues d’une concurrence que Nicolas juge « un peu planplan », la Lettre à lulu n’hésite pas à secouer le cocotier. Scoop sur Notre-Dame des Landes, révélation sur un conflit d’intérêts chez les pompiers ou l’emploi fictif d’un représentant du patronat local… Le journal satirique qui sort environ 4 fois par an alimente ses pages avec les tuyaux livrés par des cadres des institutions locales et les investigations des journalistes qui participent à chaque numéro. (...)
La Lettre à Lulu s’intéresse également au « plus gros tabou de la presse, à savoir elle-même », assure Nicolas. « Histoire capitalistique, pratiques sociales et journalistiques… », il n’hésite pas à déballer dans ses feuilles le linge sale qui est habituellement lavé en famille. Et qu’on ne vienne pas lui parler de confraternité. Pas question pour lui de « se taire parce qu’on fait le même métier ». (...)
Loin de vouloir jouer le « révolutionnaire couteau entre les dents », Nicolas entend surtout « se marrer… Et si ça dérange, ça fait partie du jeu », sourit-il. (...)
Et pour jouir d’une liberté totale, les trois copains ont décidé de s’affranchir du diktat de la rentabilité. (...)
Dès la sortie du premier numéro en 1995, ils optent pour des raisons économiques pour des photocopies numériques distribuées dans un bar et un kiosque. Près de 20 ans plus tard, pas grand chose changé. (...)
avec 3 bouts de ficelle et beaucoup d’énergie, ils ont réussi à accomplir un travail remarquable. « Toute l’info devait être béton, notre crédibilité reposait là-dessus. Et c’était le cas. Nous avons eu cinq procès, nous les avons tous gagnés, parce que nous avions un excellent avocat mais aussi parce que le boulot était nickel", souligne Frap.
Une exemplarité et un mordant qui ont « joué un rôle bénéfique pour le reste de la presse locale, a fait sauter des verrous en remettant au centre l’idée fondamentale de l’indépendance de la presse d’information au niveau local, ce qui n’était plus vraiment le cas à l’époque. (...)