
S’inscrivant dans le sillage d’Accélération [1], Aliénation et accélération est un essai de philosophie sociale sur la vie moderne : il en constitue la reprise, la synthèse et le prolongement. Le problème qu’il pose est le suivant : quels types d’enquête et d’analyse peuvent nous permettre d’évaluer la qualité de vie dans nos sociétés modernes ? La grande thèse de l’auteur, reprise, déclinée, et de nouveau précisée tout au long de l’ouvrage, est qu’une telle évaluation est réalisable en se concentrant sur les facteurs déterminant la structuration temporelle de notre vie sociale, c’est-à-dire le « régime-temps » des sociétés capitalistes. Cette thèse est inséparable d’un concept unificateur, l’accélération sociale, et d’une théorie : la logique de l’accélération sociale. Mettre au jour cette « logique », c’est révéler les mécanismes producteurs de formes d’aliénation sociale dont nous faisons actuellement l’expérience dans les sociétés modernes tardives.
L’examen sommaire de phénomènes aussi divers que la rapidité des ordinateurs, les performances sportives, les fast-foods, la fréquence des emménagements et déménagements des particuliers, etc. montre que la catégorie d’accélération peut leur être appliquée d’une façon pertinente. Comme le montre l’auteur dans le premier chapitre (« Qu’est-ce que l’accélération ? »), il faut distinguer au sein de cette catégorie trois concepts sous lesquels peuvent être subsumés la diversité des phénomènes sociaux dont on dit qu’ils accélèrent : l’accélération technique, l’accélération du changement social et enfin l’accélération du rythme de vie.
(...) il s’avère que nos sociétés modernes se caractérisent par un paradoxe. En effet puisque l’accélération technique est croissante, du temps devrait devenir de plus en plus disponible, c’est-à-dire que nous devrions constater une augmentation du temps libre, donc faire l’expérience du ralentissement de notre rythme de vie, et ne plus souffrir de la « famine temporelle » : ce qui n’est pas le cas. La société moderne est donc effectivement une société de l’accélération, « au sens où elle se caractérise par une augmentation du rythme de vie (…) en dépit de taux d’accélération technique impressionnants » (p. 32). Dès lors se pose la question de savoir quels sont les moteurs qui commandent cette accélération (...)