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Mediapart
Extradition vers les Etats-Unis : Julian Assange fixé lundi sur son sort
Article mis en ligne le 3 janvier 2021

La justice britannique rendra ce lundi 4 janvier sa décision sur la demande d’extradition de Julian Assange aux États-Unis. Le fondateur de WikiLeaks y encourt jusqu’à 175 ans de prison pour avoir diffusé des centaines de milliers de documents confidentiels.

La décision sera connue lundi dans la matinée.

Le fondateur de WikiLeaks encourt jusqu’à 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse demandent sa libération.

L’Australien, âgé de 49 ans, avait été arrêté et incarcéré à la prison londonienne de haute sécurité de Belmarsh en avril 2019, après avoir passé sept ans entre les murs de l’ambassade équatorienne à Londres. Les États-Unis avaient aussitôt demandé son extradition dans le cadre de l’enquête pour espionnage qu’ils avaient ouverte en 2010.

En octobre dernier, la justice britannique a examiné, au cours de quatre semaines d’audience à la cour criminelle de l’Old Bailey, à Londres, cette demande d’extradition. Avec l’objectif de déterminer si elle respectait un certain nombre de critères légaux, et notamment si elle n’était pas disproportionnée ou incompatible avec les droits de l’homme (lire les récits d’audience de Jérôme Hourdeaux). (...)

Comme Mediapart l’avait relaté, les 18 charges de l’acte d’inculpation avaient été calibrées pour répondre à un impératif : éviter que Julian Assange puisse se prévaloir de son statut de journaliste et ainsi bénéficier de la protection du premier amendement de la Constitution américaine protégeant la liberté d’expression. Lors de ce procès en extradition, l’un des procureurs avait systématiquement rappelé aux témoins de la défense que l’accusé n’était pas poursuivi pour avoir publié des informations confidentielles, mais pour avoir mis en danger la vie de soldats américains et d’informateurs de l’armée américaine en mettant en ligne certains documents sans censurer les noms qui y apparaissaient.

En octobre 2019, lors d’une audience de procédure à Londres, Assange était apparu désorienté et affaibli, selon les témoignages de journalistes. Il avait protesté, avec une élocution difficile, contre le traitement dont il faisait l’objet. « Je ne peux pas réfléchir correctement. Je ne comprends pas comment ceci peut être équitable. Cette superpuissance [les États-Unis] a eu dix ans pour se préparer à cette affaire et je ne peux même pas accéder à mes documents », avait-il déclaré, relayé par la presse et WikiLeaks.

Son père, John Shipton, avait affirmé, en novembre 2019, que son fils « risquait de mourir en prison ». En février 2020, un groupe de 117 médecins de 18 pays avait accusé, dans la revue médicale The Lancet, le gouvernement britannique de porter atteinte au droit fondamental de Julian Assange d’accéder aux soins. (...)

Ces conditions de détention ont également été dénoncées à plusieurs reprises par le rapporteur de l’ONU sur la torture. (...)

le rapporteur de l’ONU demande au président américain de gracier Assange, parce qu’« il n’est pas, et n’a jamais été, un ennemi du peuple américain », que « son organisation, WikiLeaks, lutte contre le secret et la corruption dans le monde entier et, par conséquent, agit dans l’intérêt public tant du peuple américain que de l’humanité tout entière ». En le graciant, il réhabiliterait « un homme courageux, qui a souffert d’injustice, de persécution et d’humiliation pendant plus d’une décennie, simplement pour avoir dit la vérité », a-t-il ajouté, expliquant que le fondateur de WikiLeaks n’avait piraté ou volé aucune des informations qu’il avait publiées, mais les avait obtenues « à partir de sources et documents authentiques, de la même manière que tout autre journaliste d’investigation sérieux et indépendant ».

Ces dernières semaines, le président américain a reçu des sollicitations intenses, d’Edward Snowden par exemple, pour gracier le fondateur de WikiLeaks. (...)

Ce dimanche 3 janvier, c’est au tour de sa compagne, Stella Morris, d’expliquer, dans une interview à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qu’Assange pourrait ne pas survivre longtemps si la justice décidait de son extradition (...)

Le fondateur de WikiLeaks continue de recevoir des soutiens au nom de la liberté d’informer et de la liberté de la presse, « quoi qu’on pense d’Assange », soulignent plusieurs journalistes. En janvier 2020, dans une tribune au Washington Post, le lanceur d’alerte Edward Snowden comparait les accusations de la justice brésilienne à l’encontre du journaliste Glenn Greenwald aux charges pesant contre Julian Assange : il s’agit « de tentatives de décourager les enquêtes les plus incisives des journalistes les plus courageux et de créer un précédent qui pourrait geler les stylos des plus irascibles d’entre eux », écrivait-il.

Ces derniers jours, des organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse ont demandé sa libération. Reporters sans frontières rappelle qu’il est ciblé « pour ses contributions au journalisme » et relaye une pétition qui a recueilli plus de 108 000 signatures (...)

Dans un éditorial, le 18 décembre, le Guardian estimait que « les États-Unis n’auraient jamais dû porter plainte contre le fondateur de WikiLeaks » et que « cette attaque contre la liberté de la presse doit être rejetée ».

Une semaine plus tard, Le Monde diplomatique dénonçait l’abandon d’Assange par une partie des médias. « Il fut un temps où les médias dominants considéraient Assange comme un héros de la liberté d’expression : WikiLeaks publiait alors ses révélations par l’intermédiaire des grands journaux. Mais, depuis la divulgation en 2016 des courriers internes du parti démocrate américain, les journalistes ont lâché le lanceur d’alerte, qui croupit en prison pour avoir dit la vérité. » (...)

Quel que soit le verdict, la décision pourrait en tout cas faire l’objet d’un appel, de la part de Julian Assange ou bien des États-Unis.