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Biodiversité : « Le déclin se poursuit » et la France ne fait (presque) rien
Article mis en ligne le 24 septembre 2020
dernière modification le 23 septembre 2020

« Le déclin de la biodiversité se poursuit », alerte un rapport du Conseil économique, social et environnemental, à paraître ce 23 septembre. Ses auteurs taclent le gouvernement qui n’a « pas pris ses responsabilités » face à l’« urgence ». D’autant que les outils législatifs pour protéger le vivant existent mais ne sont pas appliqués.

Le vivant s’effondre, et nous regardons ailleurs. Un nouveau rapport, à paraître ce mercredi 23 septembre, vient, à son tour, tirer la sonnette d’alarme. Il émane du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et dresse un bilan plus que mitigé de l’action environnementale française. « Le dérèglement climatique est entré dans le viseur des responsables politiques, mais la biodiversité est restée sur le bord du chemin », constate, amer, Allain Bougrain-Dubourg, l’un des deux auteurs de l’avis du Cese.

Ce n’est pourtant pas faute d’alertes scientifiques (...)

Ce n’est pas faute non plus d’outils législatifs : la loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », adoptée en août 2016 après deux ans et demi de débats parlementaires, « affichait des objectifs ambitieux et des apports utiles », indique le rapport du Cese. Le texte instaurait notamment un objectif de « zéro perte nette de biodiversité », mettait en place l’obligation d’« éviter, réduire, compenser » les atteintes à l’environnement, et cherchait à clarifier la gouvernance de ces politiques par la création de l’Agence française pour la biodiversité. (...)

Sauf que… Quatre ans après la promulgation de cette loi « historique » – le précédent grand texte pour la nature remontait à 1976 – le Conseil économique social et environnemental « constate que non seulement la "reconquête" n’est pas amorcée, mais qu’au contraire, le déclin se poursuit ». (...)

Moins de 0,4 % du budget de l’État est consacré à la biodiversité (...)

« Les moyens et les effectifs alloués à l’OFB ne lui permettront pas de mener à bien l’ensemble de ses missions », préviennent les auteurs, qui pointent notamment le dénuement des agences régionales de la biodiversité (ARB), censées mettre en œuvre localement les objectifs écologiques nationaux. Seules sept des dix-huit régions françaises disposent d’une ARB, étoffée chacune d’à peine une quinzaine de salariés.

Il y a ensuite un échec dans l’application même de la loi. (...)

Dans les faits, « les impacts apparaissent souvent sous-estimés » par les porteurs de projet et « les mesures d’évitement demeurent très rares ».

Quant à la compensation, « les mesures ne portent souvent que sur une fraction de la biodiversité touchée et sur des parcelles trop réduites pour être efficaces ». (...)

Chaque année, entre 40.000 hectares et 60.000 hectares disparaissent sous le béton (...)

les velléités d’attractivité économique et de compétitivité entre territoires prennent le dessus, au détriment de l’environnement. Les dispositifs fiscaux ne poussent pas non plus à la sobriété foncière : « La fiscalité applicable au foncier non bâti incite les propriétaires à vendre [leurs parcelles] comme terrains à bâtir au lieu de les maintenir naturels ou agricoles avec de nombreuses fonctions écologiques ». (...)

Absence de volonté politique, manque de moyens et de connaissances, mauvaise cohérence entre les outils réglementaires et fiscaux… Il n’en faut pas plus pour qu’une loi ambitieuse ne devienne une coquille vide. (...)

Alors que faire ? « Il faut du courage et de la détermination politique pour que vive la vie, dit Allain Bougrain-Dubourg. On n’a pas besoin d’une nouvelle loi, celle de 2016 est très bien, mais il faut de la volonté pour la faire appliquer réellement. » Les deux rapporteurs se sont tout de même essayés à émettre des préconisations : renforcer le contrôle du respect de la séquence ERC, définir un paquet réglementaire et fiscal contre l’artificialisation des sols – en poussant pour l’adoption de documents d’urbanisme plus contraignants et en supprimant les mesures fiscales qui incitent à la bétonisation. Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, qui à l’époque avait porté la loi de « reconquête de la biodiversité » saura-t-elle rehausser l’ambition de la France ? « Elle a la compétence et la recherche d’éthique à l’égard du vivant, elle a tout compris de la difficulté et de la nécessité d’agir, croit M. Bougrain-Dubourg. Mais tout se joue à l’Élysée et à Bercy, qui n’ont eux pas du tout pris la mesure de l’urgence. »