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Aide médicale d’Etat : la droite veut empêcher les personnes étrangères de se faire soigner
#AME #sante #migrants
Article mis en ligne le 30 mai 2023

L’aide médicale d’État (AME) pour les personnes étrangères est à nouveau dans le viseur de la droite et de l’extrême droite parlementaires. Sur le terrain, les difficultés pour accéder à la protection sociale contredisent leurs arguments.

Avant l’annonce du report du projet de loi immigration au mois de juillet, le Sénat avait adopté, mi-mars, un amendement visant à supprimer l’aide médicale d’État (AME) pour la remplacer par une aide médicale d’urgence, plus restrictive. « Nous devons stopper la distribution d’aides incontrôlées, qui créent un “appel d’air” migratoire, que la France ne contrôle plus du tout », défend la sénatrice LR Françoise Dumont, à l’origine de l’amendement. (...)

L’AME est une aide sociale de prise en charge des soins pour les personnes étrangères en situation administrative irrégulière. « Depuis sa mise en place en 2000, elle n’a cessé de subir des coups de boutoir du législateur », expose Matthias Thibeaud, chargé de projet santé pour La Cimade en Île-de-France. En 2011 puis en 2015, la prise en charge de la PMA, des cures thermales et des médicaments à faible remboursement a été supprimée du panier de soins.

En 2018, lors de la dernière loi immigration de Gérard Collomb, le Sénat avait déjà tenté de de supprimer l’AME - tentative mise en échec à l’Assemblée nationale. Puis, la loi de finances de 2019 a restreint encore le panier de soins lors des neuf premiers mois d’AME.

Pas droit aux soins pendant trois mois

Derrière cette chronologie se dessine une cohérence idéologique. « L’idée que tous les étrangers sont des fraudeurs, l’idée du tourisme médical, le prétendu appel d’air, décrypte Matthias Thibeaud. C’est insupportable de faire croire que ces personnes viennent pour “se la couler douce” alors qu’elles arrivent dans des états de santé dégradés à cause du parcours migratoire, et sont maintenues dans une situation administrative précaire fragilisant encore leur santé », ajoute-t-il.

Chez les bénéficiaires de l’AME, la santé n’arrive qu’en quatrième position des raisons déclarées de la migration (à 9,5 %), loin derrière les raisons économiques, politiques et de sécurité personnelle, indique l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES). Surtout, une personne sur deux souffrant de maladie chronique n’accède pas à l’AME alors qu’elle y a droit. « Ce qui caractérise l’AME, ce n’est pas la fraude, c’est le non-recours et la difficulté à faire valoir ses droits », insiste Matthias Thibeaud. (...)

L’argument se situe aussi sur le plan économique. « Les personnes qui ne vont pas se soigner finissent dans des prises en charge plus lourdes et coûteuses », complète Matthias Thibeaud. La crise du Covid-19 a mis en lumière les difficultés de l’hôpital public. « Supprimer l’AME, ce serait ajouter à la désorganisation des services des urgences », estime le chargé de projet pour la Cimade.

Le rêve de la droite et de l’extrême droite est une réalité sur un territoire français : Mayotte. Là-bas, l’AME n’a jamais existé. Régulièrement, la Défenseure des droits déplore cette absence qui « accentue de fait la pression pesant sur le centre hospitalier ».

Fusion de l’AME dans l’Assurance maladie

Les CPAM nouent de plus en plus de partenariats avec les maisons France Services qui remplacent les services publics de proximité en disparition. À l’intérieur ? « Un ou deux salariés, pas du tout spécialisés, s’inquiète Salimata Sidibé, dont l’équipe s’est rendue à celle de La Courneuve. La personne qui nous a reçus ne savait même pas ce qu’était l’AME. » (...)

En contre-modèle, de nombreuses ONG défendent la fusion de l’AME dans l’Assurance maladie. « Il faut en finir avec cette couverture spécifique pour les personnes étrangères, ce système de santé à deux vitesses », résume Matthias Thibeaud. En demeurant une aide à part, l’AME constitue une cible de choix, attaquée « à chaque projet de loi de finances ou immigration ». (...)

La fusion de l’AME dans l’Assurance maladie n’est donc pas pour demain. D’ici là, en juillet, il est probable que la suppression de l’AME soit remise à l’ordre du jour par le Sénat. Même si la proposition a peu de chances d’être validée à l’Assemblée nationale. Olivier Véran, ex-ministre de la Santé et actuel porte-parole du gouvernement, avait lui-même défendu son maintien il y a deux ans.

Mais « il y a d’autres choses qui nous inquiètent presque plus dans le projet de loi amendé », alerte Olivier Lefebvre. Aujourd’hui, un titre de séjour « étranger malade » peut être délivré à toute personne qui ne bénéficie pas effectivement d’un traitement dans son pays d’origine, induisant de graves conséquences pour sa santé. Dans sa version de mars, le texte restreint cette délivrance à la non-existence du traitement dans le pays d’origine. Cette nuance fait toute la différence. En théorie, les traitements - par exemple contre le VIH ou le diabète - existent quasiment partout. En pratique, seuls les plus privilégiés y ont accès. (...)

Les CPAM nouent de plus en plus de partenariats avec les maisons France Services qui remplacent les services publics de proximité en disparition. À l’intérieur ? « Un ou deux salariés, pas du tout spécialisés, s’inquiète Salimata Sidibé, dont l’équipe s’est rendue à celle de La Courneuve. La personne qui nous a reçus ne savait même pas ce qu’était l’AME. »