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Mediapart
Comment l’extrémisme religieux chrétien se fédère en Europe pour « restaurer l’ordre naturel »
#religions #extremisme #femmes #sexualites #Europe
Article mis en ligne le 12 juin 2024
dernière modification le 10 juin 2024

Auparavant rassemblés sous l’organisation Agenda Europe, née en même temps que La Manif pour tous, les mouvements antichoix se multiplient en Europe. Dans la ligne de mire de cette galaxie chrétienne conservatrice, le droit à l’avortement et les personnes LGBT+.

Des figurines en forme de fœtus envoyées par courrier, ou prises en photo, au creux d’une main, et diffusées par mail à l’ensemble des député·es europée·nnes. L’appel au visionnage d’une vidéo, affichant près de 10 000 vues depuis le 22 mars, dans laquelle trois femmes anonymes témoignent de leurs avortements traumatisants, qui auraient été « subis », la société n’ayant « rien prévu pour les protéger des pressions ». Ou encore, pas plus tard que le 15 mai, l’invitation à une rencontre entre des parlementaires et « un collectif de femmes » ayant avorté.

Telles sont certaines des méthodes du Centre européen pour le droit et la justice (European Centre for Law & Justice, ECLJ), une ONG accréditée aux Nations unies et association de droit local, catholique conservatrice, pour tenter, tour à tour, d’empêcher la constitutionnalisation de l’IVG en France ou le vote d’une résolution pour inscrire l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Issu du très influent American Center for Law and Justice (ACLJ), organisation américaine chrétienne et conservatrice, l’ECLJ fait aujourd’hui partie des principaux groupes de pression anti-IVG en Europe, qui se fédèrent depuis une dizaine d’années et gagnent en influence. (...)

un groupe « inspiré par le Vatican » ayant pour but de « restaurer l’ordre naturel ». Autrement dit, de faire reculer l’accès à la contraception, à l’avortement, mais aussi les droits des personnes LGBT+.

À sa création, le manifeste de l’organisation établissait cinq priorités : déployer des stratégies contre l’euthanasie, pour la liberté de religion, pour le mariage et la famille, contre la législation antidiscrimination et contre la gestation pour autrui (GPA). L’auteur, anonyme, y défendait notamment « la réintroduction de lois réprimant l’homosexualité » face aux « effets dangereux de la décriminalisation de la sodomie », ou encore que « l’acceptation des relations homosexuelles, lesbiennes et (finalement) pédophiles semble donc une conséquence logique de l’acceptation de la contraception artificielle ».

Un lobbying antidroits humains qui a porté ses fruits dans certains pays, selon l’EPF, les membres d’Agenda Europe ayant réussi à freiner l’avancée des droits LGBTI en Croatie en 2013 puis en Slovénie en 2015 via des pétitions. En septembre 2016, la proposition de loi « Stop à l’avortement » portée par la fondation privée Ordo Iuris, dont le président et le conseiller juridique appartenaient à Agenda Europe, a été présentée en séance plénière au Parlement polonais.

En 2019, cette même organisation était également à l’origine d’une « Charte des droits de la famille », signée par de nombreuses collectivités locales dites « sans LGBT ». À l’échelle européenne, le Slovaque Ján Figeľ, qui était aussi membre d’Agenda Europe, était nommé en 2016 par la Commission européenne premier « envoyé spécial pour la promotion de la liberté de religion et de conviction en dehors de l’Union européenne ».

Le point d’orgue du Congrès mondial des familles (...)

Une nouvelle « Manif pour tous » à l’ONU et en Europe

À propos du poids politique de ces groupes, Amandine Clavaud alerte : « Certaines de ces organisations sont accréditées aux Nations unies. Elles bénéficient du statut Ecosoc, alors que des associations de la société civile féministes ont parfois du mal à l’obtenir. » Parmi les organisations disposant d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU figuraient en 2022, outre l’ECLJ de Grégor Puppinck, la Fondation Jérôme Lejeune, SOS Éducation, Alliance VITA, l’association conservatrice Juristes pour l’enfance, composée d’anciennes de LMPT et… La Manif pour tous elle-même. (...)

À un niveau transnational, sont aussi accrédités l’Alliance Defending Freedom (ADF), qui a récemment soutenu la procédure judiciaire d’élus d’extrême droite, dont Éric Zemmour, à la suite de l’annulation d’une conférence à Bruxelles, mais aussi le groupe de pression espagnol anti-IVG, antimariage pour toutes et tous et anti-euthanasie HazteOir, qui a fondé CitizenGO, et qui figure également dans la liste des principaux bailleurs de fonds anti-genre en Europe.

À l’échelle européenne, certaines de ces organisations se retrouvent dans l’« initiative citoyenne européenne » (ICE) One of us « pour la défense de la vie et de la dignité humaine ». En premier lieu la Fondation Jérôme Lejeune et l’ECLJ, mais aussi l’Alliance VITA, les Associations familiales catholiques (AFC), HazteOir et CitizenGO. Rejetée par l’Union européenne, One of us s’est depuis transformée en fédération.

Qu’à cela ne tienne : une autre initiative citoyenne européenne a été enregistrée en 2015 auprès de la Commission européenne « pour protéger le mariage et la famille ». Nommée « Mum, dad and kids » et rappelant le slogan principal de LMPT, celle-ci est portée par une dizaine de personnes, parmi lesquelles encore Ludovine de La Rochère et Grégor Puppinck.

One of us comme la Fondation Lejeune faisaient en 2018 partie des sponsors officiels du séminaire international d’une autre organisation mondiale née en Amérique du Sud : le Réseau politique des valeurs (Political Network for Values, PNfV), dont Katalin Novák a été présidente, et auquel l’Ipas a consacré un rapport en 2023. Les autres éditions étaient soutenues notamment par le groupe PPE au Parlement européen (Parti populaire européen – démocrates-chrétiens). (...)