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Mediapart
Variole du singe : face aux ratés des autorités, la communauté gay prend en main la prévention
Article mis en ligne le 11 juillet 2022

La France vient d’élargir la vaccination aux groupes les plus exposés, en particulier « les hommes ayant des relations avec des hommes et les personnes trans qui sont multipartenaires ». Car l’épidémie accélère et déborde le dispositif sanitaire. Des malades ont pris la parole sur les réseaux sans craindre d’alimenter la stigmatisation.

(...) Face à la variole du singe, les autorités sanitaires accélèrent, enfin. Le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, a annoncé vendredi 8 juillet l’ouverture de la vaccination à toute la population à risque (...)

L’épidémie reste de petite taille, mais en seulement huit semaines, la France semble en avoir déjà perdu le contrôle. Les premiers cas ont été diagnostiqués en Europe à la mi-mai, en France le 20 mai. Au 7 juillet, 721 cas ont été diagnostiqués en métropole, selon Santé publique France.

Le nombre de cas a doublé en un peu plus de dix jours. Si l’Île-de-France concentre 80 % des cas, toutes les régions sont désormais touchées. Le virus s’est probablement répandu à partir d’un foyer de contamination formé à la Maspalomas Pride, aux Canaries, festival LGBTQI+ qui a attiré 80 000 personnes du 5 au 15 mai dernier. Puis il a été porté par le mois des fiertés et ses nombreuses fêtes, au fil du mois de juin. (...)

Cette maladie, due à un Orthopoxvirus, circulait jusqu’ici en Afrique centrale et de l’Ouest, et se transmettait le plus souvent de l’animal à l’homme. Il est surtout décrit dans des zones forestières. Des enfants se contaminent au contact d’un rongeur, souvent un écureuil. Ils développent une éruption cutanée sur le visage, la paume des mains, la plante des pieds, qui ressemble à la varicelle. Ils ont aussi de la fièvre, des ganglions. Ils peuvent contaminer leurs proches, surtout par contact avec les lésions cutanées, par le toucher ou de manière indirecte par des vêtements ou des draps souillés. Une transmission par voie respiratoire – salive, postillons et éternuement – paraît possible mais à la condition d’un contact long et étroit. Le virus semble peu contagieux. Les personnes jugées les plus fragiles sont les enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées. C’était l’état des connaissances fin mai.

En Europe, une maladie qui se comporte comme une IST

La maladie surprend aujourd’hui les médecins européens, car ses modes de transmission comme ses symptômes sont différents de ceux observés en Afrique.

À ce stade, le virus circule presque exclusivement dans la communauté homosexuelle, bisexuelle ou trans, selon le suivi épidémiologique de Santé publique France (...)

Le 25 mai, le directeur adjoint de l’Onusida, Matthew Kavanagh, s’est inquiété de la « tentative d’assimiler la variole du singe à la communauté homosexuelle [...]. Dire qu’il s’agit d’une maladie qui ne touche que les hommes homosexuels est inexact. L’histoire nous a appris que ce genre de stigmatisation est susceptible de déboucher sur une mauvaise approche de la santé publique ».

En France, deux enfants et quatre femmes ont été touchés, « parce qu’ils ont partagé leur vie quotidienne avec des personnes malades, en contact étroit avec elles », indique Yazdan Yazdanpanah. Mais l’infectiologue diverge sur l’approche de santé publique : « Cela ressemble à une infection sexuellement transmissible (IST) qui circule surtout parmi les HSH qui ont beaucoup de rapports. Il faut le dire ! »

« Je ne suis pas d’accord pour dire que ce problème concerne tout le monde. Ce n’est pas en niant la réalité qu’on lutte contre les discriminations, renchérit le docteur Michel Ohayon, fondateur et directeur du 190, un centre de santé sexuelle à Paris qui suit de nombreux HSH aux multiples partenaires. C’est logique que la variole du singe touche ces gays de plein fouet, c’est une population minuscule, endo-communautaire. Quand une IST débarque, elle tourne très vite. » (...)

« C’est une nouvelle maladie. Mais je suis étonné par la lenteur absolue du système de santé. D’autres pays ont déjà commencé à vacciner la population à risque. » C’est déjà le cas au Royaume-Uni, très touché, mais aussi aux États-Unis et au Canada, qui comptent un nombre bien moins grand de cas. « Soit on n’a pas assez de vaccins et on le dit, soit on vaccine plus largement, et vite, car il y a un cluster géant dans la communauté gay. Cette espèce de temporisation donne l’impression que tout le monde s’en fout, tant que les homosexuels sont les seuls touchés. »