
L’hôpital souffre depuis longtemps, mais il a été particulièrement mal soigné car victime d’une erreur de diagnostic. On a cru lui trouver une pathologie qui n’affecte pas les individus de son espèce : le défaut de rentabilité.
L’hôpital souffre, on le sait, on le dit, on l’entend, mais que faire ? En parler ne suffit pas. Nous l’écoutons décrire ses petits et grands malheurs comme on écouterait parler une mamie atteinte d’une maladie chronique contre laquelle on ne peut pas grand-chose : un peu gênés, avec compassion, tristesse et désespoir. Nous aimerions pouvoir l’aider, soulager ses douleurs et guérir son mal, mais nous nous savons impuissants et préfèrerions parfois qu’elle garde ses souffrances pour elle-même, parce qu’il nous est trop difficile de les entendre.
Seulement voilà, l’hôpital n’est pas une mamie, il n’est pas atteint d’une maladie incurable et nous n’avons pas à nous résigner. Il souffre certes depuis longtemps et semble condamné à souffrir toujours, faute de traitement adéquat. Sa situation n’est toutefois pas désespérée.
Il a en fait été particulièrement mal soigné jusqu’à présent car victime d’une erreur de diagnostic. On a cru lui trouver une pathologie qui n’affecte pas les individus de son espèce : le défaut de rentabilité. Les résultats de ses analyses sont éloquents. Ils montrent d’importantes carences. L’hôpital manque de tout : de lits, de personnel, de matériel et de fonds. Il ne produit pas lui-même ce dont il a besoin et doit être maintenu sous perfusion pour pouvoir survivre. Il pourrait aller mieux si l’on augmentait les doses administrées, mais il serait toujours dépendant et certainement pas rentable. Le remède est coûteux, trop coûteux selon certains, et ne règle pas durablement le problème de l’hôpital.
Mais s’agit-il vraiment d’un problème ? C’est là toute la question. N’est-il pas en effet « normal » que les établissements de soin ne soient pas rentables ?
Si l’hôpital « marche sur la tête » c’est peut-être que l’on attend de lui des résultats contraires à sa nature. Il semble en fait qu’il ait été, ces dernières décennies, traité comme l’on traite l’entreprise, grossière erreur dont les effets secondaires n’ont pas tardé à se manifester. (...)
l’hôpital public moderne est un hôpital d’excellence qui soigne sans distinctions et soigne bien. Mais le prix à payer est élevé puisque ses services ne peuvent être rentabilisés sans charger le « consommateur ». On va donc chercher à limiter (voire à réduire) les dépenses sans toutefois altérer la qualité du service, opération difficile ayant donné lieu à plusieurs réformes qui ont fait entrer les établissements de santé dans l’ère de l’hôpital-entreprise. (...)