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Basta !
« On n’a jamais vu ça ! » : chez Michelin, deux salariés sanctionnés après avoir été victimes d’un accident du travail
Article mis en ligne le 12 juillet 2019

Dans deux usines Michelin, deux salariés victimes d’accidents du travail, prolongés d’un arrêt-maladie, ont été sanctionnés par la direction. Au grand dam de l’ensemble des syndicats. Pourquoi cette double peine, et pourquoi risque-t-elle de devenir de plus en plus fréquente ?

« Faire comprendre aux salariés que c’est très grave de ne pas respecter les consignes de sécurité » : c’est ainsi que la direction de Michelin explique la sanction reçue par Xavier [1], salarié à l’usine de Blanzy (Saône-et-Loire), deux mois après qu’il se soit gravement blessé le doigt en manipulant un « skim », un gros rouleau sur lequel est enroulée la gomme qui sert à fabriquer les pneus. « Il est très exceptionnel qu’une décision de sanction soit prise à l’encontre d’un salarié ayant subi un accident de travail, précise l’entreprise à Basta !. Ce type de décision n’intervient que dans des rares cas de non-respect avéré du mode opératoire ou des règles de sécurité. » Quelle règle de sécurité Xavier n’a-t-il pas respecté ? Il a mis ses doigts où il ne fallait pas, entre le rouleau et l’axe autour duquel il tourne, dérogeant donc, selon la direction, aux règles d’utilisation de la machine.

L’accident a lieu le 15 octobre 2018. (...)

Interrogée sur l’erreur de diagnostic du médecin du travail, l’entreprise a répondu à Basta ! que, effectivement, « le médecin du site n’a pas été en mesure d’identifier l’existence d’une fracture au regard de l’examen externe auquel il a procédé immédiatement après l’accident ». Pour le délégué du personnel, cette erreur est impardonnable : « Comment peut on laisser quelqu’un souffrir le martyr ainsi, pendant toute une nuit ? C’est insupportable. De plus, un salarié qui passe par l’infirmerie doit normalement être raccompagné. Xavier aurait pu faire un malaise tellement il avait mal. Il a conduit d’une seule main, et aurait pu avoir un accident de voiture. » Un médecin du travail à la retraite s’étonne également de cette erreur : « Le médecin aurait dû l’envoyer faire une radio. Par principe, quand il y a un accident du travail, il faut prendre toutes les précautions. »
« Nous sommes obligés d’être très fermes, la sécurité c’est très important pour nous »

Pour Michelin, le problème se situe ailleurs : le salarié n’aurait pas dû faire ce qu’il a fait. (...)

« Cela a de réelles conséquences sur l’évolution de carrière et les augmentations de salaire », commente Serge Allègre, révolté par la teneur du courrier envoyé à Xavier. « Comme s’il avait fait exprès de se blesser ! Ou comme s’il était interdit de se blesser ! Le formateur qui était aux côtés de Xavier a été convoqué par la direction qui l’a aussi menacé d’une sanction pour avoir laisser le gamin se blesser. Comment peut-on espérer que les anciens continuent à former les jeunes s’ils risquent une sanction à chaque erreur commise par les personnes qu’ils forment ? »

Pour la direction, le salarié était informé du risque. « Nous sommes obligés d’être très fermes, la sécurité c’est très important pour nous. Et les sanctions restent exceptionnelles. Notre moyen principal de lutte contre les accidents, cela reste la prévention, l’information et la formation de nos salariés. » Certains syndicalistes reconnaissent de réels efforts du côté de l’information des salariés. Et se réjouissent que, au moins sur certains sites, des investissements matériels conséquents, et des réaménagements des postes de travail aient contribué à faire baisser le nombre d’accidents.

Le fait de sanctionner les salariés accidentés, en revanche, leur semble unanimement très malvenu. D’autant plus que Xavier était en formation, et que la direction enfonce le clou en précisant que, en cas de récidive, il pourrait être licencié.