
« Dans ma culture, la mort, ce n’est pas la fin ». Des mots prononcés par T’challa, alias Black Panther, qui résonnent différemment à présent que Chadwick Boseman, l’acteur qui a été propulsé au devant de la scène par ce rôle, s’est éteint à l’âge de 43 ans, après quatre ans à lutter en secret contre le cancer.
Quatre ans pendant lesquels il a travaillé sans relâche, incarnant T’challa dans quatre longs-métrages Marvel, mais aussi un vétéran de la guerre du Vietnam dans Da 5 Bloods ou encore le juriste afro-américain Thurgood Marshall dans Marshall. (...)
La Terre a découvert que Chadwick Boseman était malade en découvrant qu’il n’était plus parmi nous.
Le fait que l’acteur ait choisi de cacher sa maladie pose forcément question : il pensait peut-être qu’il n’aurait pas eu accès aux opportunités qui ont fait sa carrière s’il avait révélé son cancer du côlon. (...)
La mort de Chadwick Boseman a généré une tristesse infinie, et a particulièrement résonné chez certaines personnes malades et/ou handicapées, qui voient dans le cancer tenu secret de Chadwick Boseman une douloureuse illustration du validisme qui règne dans la plupart des sociétés actuelles. (...)
Le validisme désigne l’oppression systémique des personnes handicapées, allant des préjugés aux discriminations.
Cette oppression systémique, elle modèle dans l’inconscient collectif notre manière de percevoir le handicap comme une donnée « autre » et une condition à « dépasser ».
On pense souvent le handicap comme quelque chose de visible et de permanent. Pourtant, il prend de nombreuses formes et se révèle souvent être invisible : avoir un cancer, faire des séances de chimiothérapie, sentir son corps s’affaiblir, et devoir le tenir secret, c’est aussi ça, le validisme. (...)
Qu’est-ce qui fait notre valeur dans un monde capitaliste ? C’est ce qu’on peut donner, produire. On part du principe qu’un ou une malade « vaut moins » — d’où l’exclusion par la société. (...)
Taïna Allen comprend pourquoi Chadwick Boseman a passé son cancer sous silence. Elle fait de même avec sa propre maladie.
On vit dans une société validiste, donc je comprends très bien cette décision de cacher sa maladie aux yeux du monde.
Je me suis personnellement attiré tellement d’ennuis en étant franche dès le début avec ma banquière et d’anciens employeurs… Tout le monde a l’air gentil au début, affiche du soutien. Mais dans les faits, je me suis par exemple vu refuser des prêts pour cause d’assurance.
J’ai eu mon diplôme en management de projets Web en 2016 et j’ai été diagnostiquée en 2017. Lors de ma recherche d’emploi, au début, j’ai toujours été franche sur ma maladie. Et ça a pas mal refroidi.
Déjà, je suis déjà une femme noire, et en plus, j’explique que je ferais au cours du mois plusieurs allers-retours à l’hôpital ? Bien sûr que dans une société validiste, je n’ai pas le meilleur profil. (...)
Étant une malade racisée, je me rends compte que mon expérience est différente de celle d’autres patients et patientes avec qui j’ai échangé.
Ma maladie touche ma peau, et il m’a fallu quatre ans pour être diagnostiquée — un médecin m’a même dit que je manquais probablement de vitamine D, puisque je suis noire…
J’ai mené ma petite enquête : dans le service où je suis suivie, il n’y a que deux femmes racisées, et nous sommes celles qui ont été diagnostiquées le plus tard (quatre ans pour moi, huit ans pour elle).
La mort de Chadwick Boseman a lancé aux États-Unis une prise de conscience sur les risques de cancer du côlon. Les hommes afro-américains sont particulièrement touchés (...)