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Canicules : à quand la température maximale de travail ?
Article mis en ligne le 29 juillet 2022

Les canicules n’arrêtent pas le travail des ouvriers du BTP français, mettant leurs vies en danger. Leurs syndicats réclament l’instauration d’une température maximale de travail, et soutiennent une campagne européenne en ce sens.

(...) le 19 juillet, Santé publique France annonçait que, depuis le 12 juillet, « deux accidents du travail mortels en lien possible avec une exposition à la chaleur » lui ont été notifiés par l’Inspection du travail [1]. D’après Le Télégramme, l’une des deux victimes serait un ouvrier morbihannais de 43 ans, mort après un malaise provoqué par la chaleur, le 18 juillet. (...)

C’est un fait que rappelait dès 2020 la Confédération européenne des syndicats (CES) : outre les personnes âgées et/ou fragiles, la canicule tue également des travailleurs, « l’agriculture et la construction (étant) des secteurs considérés comme particulièrement à risque » en cas de vague de chaleur. Plusieurs études récentes (voir ici ou encore là) mettent en effet en évidence les effets délétères du dérèglement climatique sur leur santé et leur sécurité.

Dans un rapport publié en 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) explique par exemple que les risques professionnels sont augmentés en période de canicule. De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la température optimale au travail se situe entre 16 et 24 °C — très loin, donc, des pics de chaleur que la France a connu la semaine du 18 juillet, et qu’elle pourrait connaître à nouveau à partir du 4 août. (...)

Une prévention qui repose sur « le bon vouloir de l’employeur »

Lundi 25 juillet, la CES a ainsi demandé l’adoption d’une loi qui fixerait une température maximale au travail partout en Europe. Si quelques pays ont déjà adopté une telle mesure, ce n’est pas le cas de la France, déjà tristement connue pour être le pays européen avec le taux d’incidence le plus élevé concernant les accidents du travail mortels. (...)

l’absence de « disposition précise » dans le Code du travail en cas de canicule a pour conséquence de tout faire reposer sur « le bon vouloir de l’employeur et sur sa propre évaluation des risques » (...)

Ainsi, quand bien même les thermostats affichent des températures indues, les travailleurs du BTP par exemple, dont les métiers, souvent en plein air, sont déjà pénibles physiquement en conditions normales, peuvent se retrouver à faire des travaux en extérieur sous un soleil de plomb. Et ce alors même que leur secteur professionnel est en toute saison « l’un des plus sinistrés » concernant les accidents du travail d’après les statistiques de la Sécurité sociale. (...)

Le Code du travail oblige en effet les employeurs du BTP à fournir au moins 3 litres d’eau par jour et par travailleur — un chiffre révélateur du côté « hors-sol » de nos décideurs pour Frédéric Mau, responsable de la santé au travail de la fédération construction et ameublement de la CGT : « Là encore, on voit des gens qui ne connaissent pas le sujet pondre des textes totalement à côté de la plaque : quand vous bossez sur un toit en ardoise, ce n’est pas 3 litres que vous buvez dans la journée, mais 10 litres ! Dans la plupart des cas, l’immense majorité des employeurs laisse les mecs bosser en période de canicule, peu importe le prix du sang. » (...)

Si la plupart des ouvriers rencontrés par Reporterre affirment avoir pu boire à leur soif ces derniers jours, d’autres racontent avoir dû aller acheter eux-mêmes leurs bouteilles (...)

Mehdi travaille au noir, comme de nombreux ouvriers en région parisienne. Une position des plus précaires ne laissant guère de latitude pour tenir tête à son patron en cas de situation professionnelle risquée, tandis que, comme le souligne Olivier Zwobada, cosecrétaire de Sud Industrie Francilien, les salariés ne sont que trop rarement informés de leurs droits et des obligations de leurs employeurs à leur égard (...)

« Si les ouvriers savaient davantage qu’ils peuvent utiliser leur droit de retrait pour danger grave et imminent, ils le feraient bien plus souvent, y compris en période de canicule. Mais, évidemment, les patrons se gardent bien de le leur dire. »
Des réformes qui ont fait empirer la situation (...)

la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) au profit des comités sociaux et économiques (CSE) en 2020 a encore compliqué la mise en œuvre de ce droit. (...)

« Les limites supportables par le corps humain sont désormais atteintes » (...)

Laurent, sur son chantier parisien : « Le soir, comme tout le monde, on a tous envie de rentrer vivants chez nous. »