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Mediapart
« Vous n’êtes pas de vrais Français » : la collaboratrice du député RN Julien Odoul accusée d’avoir tenu des propos racistes dans un bar
#RN #extremedroite #racisme
Article mis en ligne le 27 juillet 2024
dernière modification le 25 juillet 2024

Julie Gahinet, collaboratrice parlementaire de Julien Odoul jusqu’au 7 juillet, est accusée d’avoir tenu des propos racistes au Rosa Bonheur sur Seine, à Paris, contre des clients d’origine marocaine. Si elle dément les faits, des témoins confirment et trois plaintes ont été déposées.

Assis dans un café, Younès* est encore sous le choc. Un verre à la main, le jeune homme de 35 ans passe de la colère aux pleurs au fil de son récit. D’un débit rapide, il revient sur sa soirée du mercredi 17 juillet. Celui qui a quitté le Maroc pour venir faire ses études supérieures en France, et a été naturalisé depuis, estime avoir été victime de propos racistes. Il n’est pas le seul à avoir été visé. Nora* et Inès*, 36 ans, elles aussi nées au Maroc, étaient avec lui ce soir-là. Le trio a encore du mal à comprendre la raison de cette prise à partie.

Selon les informations de StreetPress et de Mediapart, la personne qui en est à l’origine ne serait autre que la collaboratrice parlementaire du député du Rassemblement national (RN) Julien Odoul : Julie Gahinet. Si les trois amis ont accepté de témoigner, ils le font sous couvert d’anonymat, par peur des représailles ou d’être ciblés par l’extrême droite. Younès comme Nora et Inès ont depuis porté plainte pour « injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine ». Un délit puni d’un an de prison maximum et de 45 000 euros d’amende. (...)

Inès, sous le choc, aurait répondu : « Oh wow ! On en est là en fait. » Le groupe se défend et répète qu’ils sont bien français. Mais Julie Gahinet aurait lancé les propos suivants : « Vous n’êtes pas de vrais Français, moi je suis chez moi, je suis française, je suis blonde aux yeux bleus. » Selon Younès, Julie Gahinet effectuait dans le même temps un signe devant sa tête pour signifier à son groupe qu’il était « d’une autre couleur de peau ».

La collaboratrice parlementaire leur aurait ensuite lancé « dégagez », puis aurait ajouté : « Les Français ne veulent pas de Français comme toi. » « Ce sont les Français qui ne veulent pas de Français comme vous », aurait alors répondu Inès. (...)

Des témoins confirment

La bande d’amis décide de quitter la table et prévient la sécurité, qui vient questionner Julie Gahinet. Selon l’agent en question, interrogé par Mediapart et StreetPress, l’attachée parlementaire « nie en bloc » avoir tenu des propos racistes. « Mais deux autres clientes, qui n’avaient rien à voir avec les victimes, ont confirmé avoir entendu ces propos racistes », témoigne le responsable.

Entre-temps, Younès interpelle une patrouille de gendarmerie chargée de sécuriser les quais de Seine. Devant elle, Julie Gahinet et ses amis auraient toujours nié avoir tenu des propos racistes et accuseraient désormais Inès et ses amis de l’avoir insultée en arabe. (...)

Un compte rendu d’incident envoyé le jeudi matin à la directrice du Rosa Bonheur sur Seine conforte pourtant le témoignage des trois amis. « Une table de quatre personnes a tenu des propos racistes envers la table voisine. Des témoins ont confirmé. Durant cet échange, une patrouille de gendarmes est passée et a été interpellée par les victimes. Ils ont relevé l’identité de la table qui a provoqué les victimes », est-il indiqué (...)

Le responsable de la sécurité du Rosa Bonheur sur Seine raconte avoir ensuite « actionné l’expulsion » du groupe de Julie Gahinet. « Ils ont encore nié et la fille blonde s’est même défendue en expliquant qu’elle ne pouvait pas avoir dit ça puisqu’elle travaillait “avec ces gens-là à l’Assemblée nationale”, raconte le vigile. J’ai demandé ce que signifiait “ces gens-là” et je leur ai demandé de partir. »

Pendant que Younès contacte le 17, la collaboratrice parlementaire et ses amis finissent par quitter l’endroit. (...)

Dans la foulée, grâce à une photo qu’ils avaient prise d’elle et quelques recherches sur Internet, les trois amis parviennent à identifier Julie Gahinet et déposent finalement plainte quelques jours après. « Au départ, on est sur des coups de coude et des propos injurieux, mais ce qui suit, ce sont des propos racistes, autant dans l’intentionnalité que dans la matérialité », détaille l’avocate Marion Jobert, qui défend Younès, Nora et Inès. (...)

Une attachée parlementaire extrême

La jeune femme mise en cause, auparavant militante chez les Jeunes Républicains, était collaboratrice de l’ex-député Meyer Habib durant son mandat de 2017 à 2022 en tant que député UDI de la 8e circonscription des Français établis hors de France. Depuis deux ans environ, elle travaillait pour le député RN Julien Odoul et était d’ailleurs présente au QG du parti de Marine Le Pen le soir des résultats du second tour des élections législatives.

Avant cela, Julie Gahinet a été également signataire en septembre 2019 d’une tribune dans le magazine d’extrême droite Valeurs actuelles intitulée « Une centaine de Jeunes LR présents à la Convention de la Droite, avec Éric Zemmour et Marion Maréchal ».

Elle a aussi défendu publiquement l’ex-député RN et ancien cadre du Bloc identitaire Grégoire de Fournas. (...)

Ce qui a le plus traumatisé la bande d’amis, en plus des propos violents, c’est le fait qu’ils ont été portés par une personne travaillant à l’Assemblée nationale, salariée d’un élu de la République. (...)

Avec l’arrivée en nombre d’élu·es d’extrême droite à l’Assemblée, Manon Amirshahi, secrétaire générale CGT pour les collaborateurs parlementaires, craint une montée de la violence de tout leur entourage. (...)