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"Une grande avancée pour les femmes" : la Cour de justice de l’UE élargit la protection des demandeuses d’asile
#femmes #violencessexuelles #viols #immigration #CJUE
Article mis en ligne le 6 février 2024
dernière modification le 5 février 2024

Pour la première fois, la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît les "violences de genre" comme un motif de protection internationale. Les femmes sont désormais considérées, dans leur ensemble, comme un "groupe social" au sens de la Convention de Genève, qui définit les contours du statut de réfugié.

C’est une décision de justice forte. Un point d’appui pour toutes les femmes fuyant des violences liées à leur genre qui demandent l’asile dans l’Union européenne (UE). La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) affirme, dans son arrêt du 16 janvier 2024, que la violence à l’encontre des femmes parce qu’elles sont femmes constitue une persécution ouvrant droit à une protection internationale - donc, au statut de réfugiée.

"Il s’agit d’un pas important dans la reconnaissance du caractère structurel des violences faites aux femmes et de leurs droits à être protégées", ont réagi dans un communiqué paru le 1er février le réseau ADFEM (Actions et droit des femmes exilées et migrantes), l’ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour), le Centre Primo Levi et le GAS (Groupe accueil et solidarité). "Une grande avancée pour les femmes qui demandent l’asile".

Et "une avancée pour les droits des femmes" tout court, complète Violaine Husson, responsable des questions de genre et protection à la Cimade, interrogée par InfoMigrants. (...)

Problème : cette notion de "groupe social" est floue dans la Convention de Genève. En France, ce sont donc les jurisprudences de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ou encore le Conseil d’État qui définissent les contours de ces "groupes sociaux" ouvrant droit à une protection. "Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu un groupe social : ’femmes’", explique Violaine Husson.

Conséquence : sur le terrain, "on accompagne un certain nombre de femmes qui ont du mal à faire reconnaître les violences qu’elles subissent liées à leur genre". À chaque fois, il faut prouver que l’on appartient, en plus d’être une femme, à un groupe social spécifique, défini par la jurisprudence en France. Par exemple : victime de la traite des êtres humains, risque d’excision, risque de persécution du fait de l’orientation sexuelle... (...)

Pour la première fois, on reconnaît donc que les femmes en tant que femmes constituent bien un "groupe social". Et donc, que ces femmes peuvent prétendre à l’octroi du statut de réfugié ; même en l’absence d’une persécution plus spécifique.
"Asile interne"

À l’origine de cette avancée : une ressortissante turque d’origine kurde, de confession musulmane. Mariée de force à l’âge de 16 ans, celle-ci raconte avoir subi des violences conjugales. Elle parvient à divorcer, et fuit immédiatement le pays, par crainte que "sa famille ne la tue si elle retourne en Turquie". Direction la Bulgarie, où elle arrive en 2018 et dépose une demande de protection internationale. (...)

La France sommée de respecter les conventions internationales sur les droits des femmes (...)

La France doit désormais "répondre de son évolution, et remettre un rapport d’ici le 30 juin aux experts européens. Ceux-ci rendront un nouveau rapport en 2025", explique encore Violaine Husson.

En reconnaissant les femmes comme un "groupe social" à part entière, la CJUE renforce et va encore plus loin que cette Convention d’Istanbul. Reste à savoir, là encore, si les États membres appliqueront cette décision contraignante. Bonne nouvelle pour les demandeuses d’asile, néanmoins : même si les autorités de l’asile mettent du temps à s’adapter, les femmes pourront s’appuyer sur cette jurisprudence en cas de recours. "Devant la CNDA, ou devant le Conseil d’État, cela leur sera utile", conclut Violaine Husson.