
Prioriser la protection de l’enfance est un pilier fondamental de toute société démocratique. La décision du président Emmanuel Macron de créer un Haut-Commissariat à l’Enfance en lieu d’un véritable ministère dédié suscite des interrogations légitimes : quels seront ses contours, objectifs, moyens et pouvoir politique ?
La protection des enfants, une urgence absolue
Les violences faites aux enfants sont un fléau massif et bien réel. Qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, elles sont souvent ignorées, minimisées ou prises en compte trop tardivement. Chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles - soit un enfant toutes les trois minutes. Plus de six enfants en situation de handicap sur dix ne sont pas crus. Un enfant meurt tous les cinq jours, tué par un parent. Près de 400 000 enfants sont co-victimes de violences conjugales et plus de 51 000 font l’objet de plaintes pour violences intrafamiliales.
Au sein de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) qui souffre d’un manque de moyens et qui accompagne 570 000 jeunes, de graves violences sont régulièrement dénoncées. Par ailleurs, 26 % des sans-abris sont d’anciens enfants pris en charge par l’ASE. On dénombre enfin 15 000 mineurs contraints à la prostitution et plus de 2 000 enfants vivant dans la rue, sans oublier les nombreuses victimes de harcèlement scolaire, de revenge porn ou de prédateurs en ligne.
Malgré des signaux d’alerte récurrents, les enfants maltraités restent pris au piège d’un système qui les abandonne.
Un travail d’expertise ignoré
Le manque de suivi et d’exploitation des travaux de référence, notamment ceux de la CIIVISE, inquiète profondément la société civile. Cette commission, créée à l’initiative d’Emmanuel Macron, a recueilli 30 000 témoignages de victimes de violences dans leur enfance. En novembre 2023, un rapport édifiant contenant 82 recommandations a été publié, offrant un socle commun pour prévenir toutes les formes de violences.
Pourtant, un an après, la majorité de ces recommandations n’a pas été mise en œuvre. Les rares mesures appliquées manquent de coordination et d’une vision politique globale. En outre, plusieurs commissions d’enquête récentes (ASE, violences dans la culture ou le sport) ont été interrompues lors des changements de gouvernement ou de la dissolution de l’Assemblée nationale. Face à ces échecs répétés, comment garantir que ce Haut-Commissariat devienne un organe démocratique efficace, au service des enfants ?
Édouard Durand : une figure indispensable
Pour assurer un pilotage crédible et déterminé, la société civile appelle à la nomination du juge Édouard Durand à la tête de ce Haut-Commissariat. Nous craignons qu’il ne soit confié à une personne manquant d’indépendance ou de détermination. Le juge Édouard Durand n’est pas un homme providentiel, mais un acteur de terrain reconnu pour son expertise et son engagement. Ancien vice-président du tribunal de Bobigny, il est aujourd’hui vice-président du tribunal de Pontoise. Depuis 20 ans, il exerce comme juge aux affaires familiales et juge des enfants à travers la France. Il est également membre du Conseil National de la Protection de l’Enfance et a co-présidé la CIIVISE. 1 Sa rigueur, son écoute et sa détermination ont gagné la confiance d’une grande majorité des victimes, des familles et des associations. Son expérience, sa constance et son exigence font de lui le meilleur choix pour réformer en profondeur le système de protection de l’enfance. Le nommer serait un signal fort envoyé à la société.
Un coût humain et financier inacceptable
Un enfant violenté porte des traumatismes lourds sur le long terme, avec des répercussions collectives pour les enfants, les parents protecteurs, les professionnels de l’enfance, et la société tout entière. En ces temps de révision budgétaire, rappelons que le coût du déni des violences sexuelles faites aux enfants est évalué à 9,7 milliards d’euros par an. Ce chiffre reflète les conséquences sanitaires, sociales et économiques de ces drames. Sans un budget ambitieux, ce Haut-Commissariat risque de n’être qu’un effet d’annonce. Il est impératif de lui donner des moyens humains, financiers et politiques pour agir efficacement et rapidement. Le périmètre de ses missions doit être clairement défini, ainsi que ses relations avec les divers ministères concernés.
Un appel à l’action immédiate
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, à défaut d’accorder un ministère à l’enfance, donnez à ce Haut-Commissariat les outils nécessaires pour agir. L’urgence est là. Les enfants nous regardent.
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Lien vers la Pétition (lancée jeudi 9 janvier 2025 : le 13 janvier presque 10 000 signataires) https://www.mesopinions.com/petition/politique/nomination-edouard-durand-tetecommissariat-enfance/237849
Lien vers le formulaire pour co-signer la TRIBUNE (lancée le 13 janvier) : https://forms.gle/3PL6sC5zogTvToAD8