Alors que l’extrême droite organise des manifestations de plus en plus importantes et que le gouvernement est accusé de reprendre certains de ses arguments à son compte, sous prétexte de la combattre, des Britanniques résistent à leur manière, au pub et en musique.
Londres (Royaume-Uni).– La lumière rouge des lustres sans âge donne un air rétro à l’intérieur bondé du Fox & Firkin. Dans la grande salle rectangulaire de ce vieux pub du sud-est de Londres, une bonne centaine de personnes sont présentes, assises devant les tables en bois sombre, accoudées au comptoir ou debout, en petits groupes, un verre à la main. Des jeunes, des têtes grises et un vrai mélange des genres, pour passer un bon moment tout en mettant à profit ce mardi soir de la fin 2025.
Tous et toutes ont payé quelques livres sterling pour entrer et participer à la soirée intitulée « Résister à l’extrême droite ». Les fonds sont reversés à une association qui vient en aide aux réfugié·es, Care4Calais. (...)
« J’ai choisi de me lever et d’être positif », clame Bennie Silver. Bonnet orange et chemise de bûcheron, l’artiste de slam est le premier à monter sur scène. « Il faut que ça s’arrête » est son refrain. « Ça » ? La montée de la haine et de l’intolérance. (...)
« Les hommes et femmes politiques de ce pays propagent un discours raciste qui est celui de l’extrême droite », regrette Mark, faisant notamment référence au discours du premier ministre travailliste, Keir Starmer, sur une « île d’étrangers ».
« Les gens souffrent et la droite leur propose un message simpliste, ajoute Mark. S’ils ne peuvent pas obtenir de rendez-vous chez le médecin, s’ils ne trouvent pas de logement, c’est à cause de l’étranger qui vit à côté ou du réfugié logé dans un hôtel. »
« Vous accusez les bateaux, nous accusons les milliardaires », entonne Bennie comme en écho.
Il y a urgence
Il descend de scène sous des applaudissements nourris, et un homme avec un keffieh autour du cou se faufile entre les tables avec une feuille et un stylo pour proposer à chacun·e de partager ses coordonnées, afin d’être tenu·e au courant des différents événements antifascistes. (...)
L’urgence s’est manifestée en septembre, dans les rues de Londres, quand 120 000 personnes ont défilé à l’appel de l’activiste d’extrême droite Tommy Robinson pour la « Marche pour unir le Royaume ». Comme à chaque manifestation des extrêmes droites, Stand Up to Racism était là, pour s’opposer. « Nous étions 15 000, peut-être 20 000, en tout cas ce n’est pas assez, constate Benny. Il faut surpasser l’extrême droite en nombre pour montrer qu’elle est minoritaire. » (...)
« Nous sommes une association citoyenne antiraciste qui utilise la musique pour rassembler les gens. Le racisme cherche à diviser là où la musique veut unir, dit-il. Nous perpétuons la tradition de Rock Against Racism de la fin des années 1970, qui a participé à la chute du National Front [parti britannique d’extrême droite – ndlr]. »
La musique comme une évidence (...)
« Peut-être que la prochaine fois que quelqu’un·e présent·e ce soir sera témoin d’insultes racistes dans le bus ou ailleurs, il ou elle sera plus enclin à réagir. » Et de toute façon, conclut-elle, « à une époque où il est si facile d’être pessimiste, une soirée comme celle-ci apporte de la joie, de l’optimisme et de l’espoir aux gens ».