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Mediapart
Révélations sur les ripoux de la DGSI
#DGSI #espions #criminalite #ripoux
Article mis en ligne le 12 mai 2024
dernière modification le 9 mai 2024

Une dizaine d’agents ou ex-agents du renseignement intérieur doivent répondre prochainement devant la justice de divers crimes et délits. Leurs affaires, présentées comme autant de dérives individuelles, posent la question de la déontologie des espions.

Mon premier a été condamné à cinq ans de prison ferme pour faux, escroquerie et tentative d’extorsion, il doit encore être jugé pour une « association de malfaiteurs » ayant conduit à l’assassinat de cinq personnes.

Mon deuxième, mon troisième et mon quatrième sont mis en examen pour leur implication dans des faits de « complicité de meurtre », de « tentative de meurtre », d’« enlèvement » et de « séquestration ».

Mon cinquième, mon sixième et mon septième sont mis en examen pour « violation du secret professionnel », « trafic d’influence », « vol » et « compromission du secret de la défense nationale ».

Mon huitième a été condamné pour « abus de confiance », il a fait appel et doit être rejugé.

Mon neuvième, le subalterne du huitième, a été condamné à six mois de prison ferme pour « détournement de fonds publics ».

Mon tout a pour point commun une même adresse à Levallois-Perret, celle de leur employeur, la DGSI. (...)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nature des crimes et délits qui leur sont reprochés fait mauvais genre. Très mauvais genre. Aucun autre service de renseignement français n’a autant d’agents impliqués dans des affaires judiciaires de droit commun. (...)

Quant aux faits eux-mêmes, faut-il s’en étonner ?

Dans son ouvrage Pour une éthique du renseignement (PUF, 2023), Jean-Baptiste Jeangène Vilmer rappelle que le renseignement est « par nature immoral » car, pour collecter des informations, il doit recourir à la dissimulation, la tromperie, le mensonge, le vol, la coercition, le chantage, parfois la torture, voire l’assassinat. Et le chercheur de souligner ce paradoxe : « On attend des espions, qui sont des menteurs professionnels, de ne pas mentir au sein du service. »

Interrogée par Mediapart en 2023, la DGSI se disait pourtant « très sereine » à propos des affaires en cours et se félicitait au contraire de leur judiciarisation. (...)

La vague d’attentats qui a frappé la France a mis en lumière le rôle joué par la DGSI, à laquelle revient la tâche de conduire la lutte antiterroriste, elle lui a aussi permis d’obtenir un accroissement substantiel de ses moyens. Cela a conduit à de vrais succès, la réduction de la menace terroriste et la diminution – semble-t-il – de ces ratés dont la presse, Mediapart en tête, avait tenu la chronique.

Mais, aujourd’hui, au gré de ces affaires, présentées officiellement comme autant de dérives individuelles (une dizaine de cas sur six mille agents), c’est l’autre face de la médaille qui se révèle : additionnées les unes aux autres, elles illustrent un système, institué à la base pour contrer les terroristes, qui permet à des hommes (aucune femme n’est mise en examen) de détourner les moyens de l’État pour participer, moyennant rétribution, à des crimes et délits commis à l’encontre de simples citoyens. En creux, cela pose la question des manquements déontologiques dans les rangs de nos espions.

Pour tâcher d’y répondre, Mediapart a interrogé des agents ou anciens agents de la DGSI et s’est plongé dans quatre dossiers judiciaires : l’affaire « Haurus », celle dite des « barbouzes du PSG », l’affaire Bitcoin et, sans doute la plus emblématique, l’affaire « Légendes », ainsi nommée par les enquêteurs de la brigade criminelle de Paris en référence ironique à la série télévisée Le Bureau des légendes. (...) (...) (...)