L’économiste et diplomate, dont le nom avait été avancé par le Parti socialiste, s’était dite prête à devenir première ministre. Mais sa candidature ayant rencontré « des oppositions » au sein du NFP, elle annonce « retourner » à ses combats en dehors de l’arène politique.
(...) Cet abandon au bout de quelques jours est un nouveau coup à encaisser pour le NFP, qui ne parvient pas à se mettre d’accord sur une candidature commune pour Matignon. Après la réélection de Yaël Braun-Pivet comme présidente de l’Assemblée nationale, le 18 juillet, l’hypothèse d’un gouvernement du NFP s’est un peu plus éloignée, mais l’avènement le lendemain d’une cohabitation parlementaire – la gauche ayant remporté la majorité absolue des sièges au bureau de l’Assemblée – a un peu rebattu les cartes.
Vendredi 26 juillet, les dirigeant·es du NFP proclamaient à nouveau sur tous les tons qu’ils étaient « prêts à gouverner ». Le PS avait proposé de faire trancher les député·es du NFP lors d’un vote solennel « au plus tard mardi 23 juillet ». Cette éventualité a désormais clairement du plomb dans l’aile.
Ruffin s’agace, Mélenchon vise 2027
Entre les lignes, l’amertume de Laurence Tubiana face au blocage des partis membres du NFP est palpable. Son communiqué rappelle à cet égard celui d’Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion, dont le nom avait été proposé par le PCF et avait recueilli l’assentiment de LFI. Dans son propre communiqué, celle-ci prenait elle aussi acte que sa candidature ne faisait pas consensus – cette fois-ci du côté du PS. « Garantir l’unité du NFP est indispensable. [...] Dans ces conditions, et soucieuse d’un accord rapide au sein du NFP, j’ai décidé de décliner sans plus attendre l’offre qui m’a été faite », déclarait-elle.
Dans les deux cas, leur nom avait été révélé avant d’obtenir l’accord des quatre partis et d’être discuté entre eux, donnant lieu à des affrontements successifs de soutiens et d’opposants sur les réseaux sociaux, ce qui n’a pas permis d’assurer la sérénité nécessaire au processus. L’écologiste Sandrine Rousseau, qui avait par ailleurs dénoncé le fait que ce phénomène tombait spécifiquement sur des femmes, avait proposé, pour sortir de l’impasse, qu’Huguette Bello soit première ministre et Laurence Tubiana vice-première ministre – en vain.
Laurence Tubiana avait pourtant franchi un pas de plus par rapport à Huguette Bello en assumant publiquement vouloir être première ministre et en s’affichant auprès d’acteurs et actrices de la société civile dans les quartiers populaires en Seine-Saint-Denis. Mais les tergiversations des composantes du NFP ont donc eu raison d’elle.
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, dont les auditions avec la candidate s’étaient très bien passées, a répondu à Laurence Tubiana sur le réseau social X : « Nous partageons avec toi la nécessité de l’apaisement, et de notre coalition du Nouveau Front populaire, et de notre pays. Et nous continuerons à suivre ton précepte posé en conclusion du communiqué ci-dessous : “Ne nous résignons pas, il faut avancer.” » (...)
Le député de la Somme François Ruffin s’est agacé de la stagnation du NFP dans une vidéo ce week-end : « Cela fait deux semaines qu’on n’est pas foutus de donner un nom pour Matignon. Je me dis même maintenant : ils aiment perdre, c’est le choix de la défaite, ils ne veulent pas gagner, ils ne veulent pas gouverner. Ça devrait pourtant être le verbe qu’on apprend à conjuguer, à gauche. » Cette colère est partagée par de nombreuses personnalités de la politique et des mouvements sociaux, lundi 22 juillet.
Dans son communiqué, Laurence Tubiana glisse qu’elle ne croit « pas une seconde au mythe de la femme ou de l’homme providentiel ». Une manière d’appeler les partis à la raison : la personnalité choisie ne sera forcément pas le premier choix des quatre partis, et elle devra compter non seulement sur un collectif, mais aussi sur les mouvements sociaux pour transformer la société.
La phrase pourrait aussi faire écho aux déclarations de Jean-Luc Mélenchon dans le journal italien La Repubblica dimanche 21 juillet. S’il appelle Emmanuel Macron à donner le gouvernement à la gauche, il anticipe aussi une démission du président de la République, et le coup d’après : « La lutte finale pour l’Élysée aura lieu entre moi et la fasciste Marine Le Pen. […] Je dirai aux Français : “Entre elle et moi, vous choisissez, mais ne croyez pas qu’il n’y aura pas de conséquences” », déclare-t-il.
Sur les réseaux sociaux, après l’annonce du retrait de Laurence Tubiana, deux mots reviennent en boucle dans la sphère de gauche : « Quel gâchis. »