Plusieurs actions de mobilisation lycéenne en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre ces dernières semaines. Élèves, parents et avocats, qui dénoncent déjà une répression inédite, se disent très inquiets face à la possibilité de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Le printemps 2024 a vu fleurir plusieurs mouvements de mobilisation lycéenne avec des mots d’ordre simples : un cessez-le-feu à Gaza et une prise en compte de la parole de la jeunesse sur la guerre menée par Israël dans l’enclave palestinienne depuis le 7 octobre. Des mots d’ordre similaires à ceux brandis par leurs aînés dans les amphithéâtres des facultés ou des instituts de science politique.
Ces mobilisations lycéennes, portées en écrasante majorité par des mineur·es, ont fait face à une répression policière importante et indiscriminée. Jeudi 6 juin au soir, à quelques jours des élections européennes, quarante-huit lycéen·nes parisien·nes ont été interpellé·es alors qu’ils et elles tentaient de bloquer un étage du lycée Hélène-Boucher, dans le XXe arrondissement de Paris. Leur but : engager une discussion avec leur direction et le rectorat au sujet de la guerre à Gaza.
Le lendemain, la préfecture de police de Paris parle d’individus qui auraient « dégradé les premiers étages de l’établissement avant de se barricader à l’aide de chaises et de tables » et de deux agents de sécurité « victimes de violences » lors de cette « intrusion ». Appelée en renfort, la police aurait alors « interpelé tous les protagonistes » pour les placer en garde à vue. Le communiqué ajoute que la directrice de l’établissement et les agents de sécurité prévoient de déposer plainte « ultérieurement ». Le parquet de Paris n’a pas confirmé le dépôt de ces plaintes à Mediapart à l’heure de la publication de cet article.
Mais la version de plusieurs élèves présentes lors de cette mobilisation et interrogées par Mediapart est différente. « On s’était donné un mot d’ordre de pacifisme avant de lancer la mobilisation, explique Margaux*, lycéenne parisienne qui participait à l’action. On savait que, si on voulait tenir dans la durée, il ne fallait aucune violence à l’encontre de qui que ce soit. » (...)
« Ce que la préfecture de police dit sur les violences et dégradations est exagéré, insiste Margaux. C’est une déformation de faits minimes pour choquer et légitimer la violence des interpellations. » Car aucune des élèves interrogées n’était préparée à l’épisode de répression qui a suivi à l’intérieur de l’établissement scolaire public. (...)
Selon les trois lycéennes interrogées, une grenade lacrymogène est lancée à vue et sans sommation par les forces de l’ordre à travers les barricades improvisées. À partir de ce moment-là, les trois lycéennes racontent près de deux heures de panique où se mêlent humiliations, insultes et violence physique. (...)
Les lycéen·nes sont envoyé·es au compte-goutte dans différents commissariats parisiens où ils et elles seront tous et toutes placé·es en garde à vue. « Il y avait de nombreux fourgons de police stationnés devant le lycée avec un cordon de sécurité très large tout autour de l’entrée, raconte une représentante de SUD éducation, présente à l’extérieur de l’établissement pendant l’opération. J’étais scandalisée par cette réaction disproportionnée de la police face à une occupation pacifique pour soutenir une cause que je trouve juste : dire stop aux massacres à Gaza et appeler à un cessez-le-feu. »
Dès le lendemain, la direction a menacé les participant·es de conseils de discipline et a conditionné leur retour en classe à un entretien personnel avec la proviseure, provoquant l’ire des personnels de l’établissement et des parents d’élèves. Contacté, le rectorat de l’académie de Créteil n’a, lui, rien trouvé à redire sur ces interpellations massives mais précise que les « procédures disciplinaires engagées ne donneront pas suite à des conseils disciplinaires ». La plupart des lycéen·nes sont resté·es près de vingt-quatre heures en garde à vue. Aucune poursuite n’est pour l’instant engagée contre eux. (...)
Dix jours après la dissolution de l’Assemblée nationale et la possibilité de l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, la question d’une répression encore plus violente des mobilisations lycéennes se pose. Et inquiète les mouvements lycéens. (...)