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« Mexicanisation » ? Un trumpisme à la française
#Retailleau #medias #extremedroite #Trumpisme
Article mis en ligne le 5 novembre 2024
dernière modification le 4 novembre 2024

Désintox de la rafale de mensonges de Bruno Retailleau et des médias dominants ces derniers jours

Jeudi soir, des coups de feu ont retenti dans une cité de Poitiers. La police intervient : cinq jeunes sont blessés. Les autorités parlent d’un règlement de compte sur fond de trafic de drogue. Un phénomène malheureusement connu, qui tue de trop nombreux jeunes, causé par les politiques pénales absurdes en vigueur en France. Notre pays est celui qui réprime le plus durement la consommation de cannabis en Europe, mais c’est aussi le pays où la consommation est la plus élevée.

Cette politique répressive a pour double effet de créer des mafias de plus en plus puissantes, qui s’enrichissent en vendant les produits interdits, et de justifier la répression dans les quartiers populaires où, au nom de la « lutte contre la drogue », la police peut contrôler et fouiller au faciès.

L’histoire le montre, la prohibition est inefficace. (...)

Intox médiatique (...)

Le fait divers est immédiatement exploité par le Ministre de l’Intérieur d’extrême droite. Bruno Retailleau parle d’une rixe de « 400 à 600 personnes », donc quasiment d’une bataille militarisée. Le Ministre ajoute : « On a le choix entre une mobilisation générale ou la Mexicanisation de notre pays car je vous assure que les narcoracailles n’ont plus aucune limite ». L’information, massivement reprise, fait effet boule de neige dans les médias des milliardaires et sur les réseaux réactionnaires.

Sur RMC, le chroniqueur Stéphane Manigold, qui n’a aucune légitimité sur le sujet, affirme tranquillement et sans être contredit que la France serait « pire » que le Mexique. (...)

Dans la foulée, le Ministre délégué à la sécurité Nicolas Daragon hurle à l’Assemblée : « L’étranger qui assassine, dehors ! L’étranger qui viole, dehors ! L’étranger islamiste, dehors ! L’étranger voleur, harceleur, agresseur, trois fois dehors ! » Le RN est au gouvernement.

Sur BFM, on diffuse les propos d’une habitante de Rennes, manifestement d’extrême droite, qui déclare au Ministre de l’Intérieur qu’elle ne peut plus sortir de chez elle à cause de « gangs » armés de « machettes » et des « tirs rafales de mitraillettes ».

Pour le téléspectateur qui ne sort pas de chez lui, Poitiers et Rennes seraient donc des villes aux mains de gangs de narcos, des affrontements armés opposeraient des centaines de personnes, et le Mexique serait un pays tranquille comparé aux provinces françaises, où les mitraillettes empêcheraient de sortir de chez soi. Si l’on se fie à la télévision, il faut donc un État policier et voter Le Pen de toute urgence, puisque le pays est à feu et à sang. (...)

La rixe se dégonfle (...)

Contrairement à ce qu’affirme le ministre de l’Intérieur, aucune « rixe » entre « plusieurs centaines de personnes » n’a eu lieu. Selon la police elle-même, le conflit a opposé 50 personnes, soit 10 fois moins que ce que raconte Retailleau. Autre précision : les policiers ont utilisé « trois grenades lacrymogènes » pour disperser l’attroupement. Si vous êtes habitué aux manifestations, vous savez que c’est peu. La police en utilise 10 fois plus contre le moindre cortège indiscipliné. S’il y avait eu « des centaines » de « narcoracailles » lourdement armées, du gaz lacrymogène n’aurait pas suffi.
Concernant la France et sa « mexicanisation »

Au Mexique, depuis le début de la « guerre contre la drogue » lancée par le gouvernement en 2006, 400.000 personnes ont été assassinées, près de 100.000 sont déclarées « disparues » et 1.600.000 sont déplacées. C’est une guerre civile qui ne dit pas son nom, avec des viols, des meurtres, des actes de torture, des exactions commises par l’armée et les cartels. Et un bilan humain comparable à la guerre en Syrie.

Au Mexique, le conflit a permis aux autorités de liquider des militants anticapitalistes et écologistes, qui « disparaissent » sans jamais être retrouvés. Durant la campagne électorale mexicaine qui a eu lieu cette année, au moins 34 candidats ont été assassinés. Et en août 2024, le maire de la ville de Chilpancingo, 150.000 habitants, a même été décapité en pleine rue après son élection. (...)

Parler de « Mexicanisation » de la France n’est donc pas seulement grotesque, c’est indécent.
Manipulation des chiffres

Le chroniqueur de RMC qui crie que la France est « pire » que le Mexique se base sur les données d’un site nommé Numbeo. Un site créé en Serbie qui s’est spécialisé dans la réalisation de classements à partir de notes en ligne données par les internautes. Le classement est basé sur le « ressenti » des visiteurs. N’importe qui peut donc donner son avis sur n’importe quelle ville, sans aucune vérification. Et ces notes ne sont ni nombreuses ni représentatives. (...)

L’état de la France : mexicanisation ou trumpisation ?

Ces comparaisons débiles pourraient seulement paraître ridicules, mais elle ne font même pas rire. Elles sont indécentes et dangereuses. Globalement, et comparé à la majorité de l’humanité, nous vivons dans l’un des pays les plus sûrs et riches du monde, préservé des conflits armés, mais peuplé de vieux terrorisés par la télévision qui se croient en guerre civile.

Contrairement à ce que dit Bruno Retailleau, il n’y a donc pas de « mexicanisation » de la France. Il y a une politique répressive inefficace et dangereuse en matière de drogue. En revanche il y a une « américanisation » bien réelle de la vie politique (...)