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MeToo de la marine : les violences sexistes en mer enfin jugées au pénal
#Metoo #marine #violencessexistes
Article mis en ligne le 6 mai 2025
dernière modification le 4 mai 2025

Ils étaient quatre sur le banc des prévenus. Un ancien commandant, âgé de 61 ans, et un ancien chef mécanicien, 47 ans, jugés pour des faits de harcèlement moral et sexuel pour le premier, assortis de faits d’agression sexuelle pour le second. Du 22 au 24 avril, le premier procès MeToo de la marine a eu lieu au tribunal judiciaire de Brest.

La compagnie maritime brestoise Genavir, dont les deux hommes étaient salariés jusqu’en 2021, ainsi que son ancien directeur général étaient aussi sur le banc des prévenus. Ils devaient répondre de blessures involontaires et de discrimination professionnelle à l’égard de personnes ayant subi ou refusé de subir un harcèlement moral ou sexuel, pour des faits qui ont eu lieu entre 2017 et 2020 à bord des navires de l’entreprise. (...)

La compagnie maritime brestoise Genavir, dont les deux hommes étaient salariés jusqu’en 2021, ainsi que son ancien directeur général étaient aussi sur le banc des prévenus. Ils devaient répondre de blessures involontaires et de discrimination professionnelle à l’égard de personnes ayant subi ou refusé de subir un harcèlement moral ou sexuel, pour des faits qui ont eu lieu entre 2017 et 2020 à bord des navires de l’entreprise. (...)

Filmée à son insu

Dès 2017, des salariées ont signalé des violences sexuelles au travail. En 2021, l’inspection du travail de Genavir saisit le procureur. Le parquet de Brest ouvre alors une enquête, puis renvoie les quatre prévenus devant la justice pénale. Un fait rare dans les dossiers de violences sexistes et sexuelles en entreprise.

Au total, sept personnes, un homme et six femmes, anciennes ou actuelles salariées de Genavir et de l’Ifremer, ont mis en cause les prévenus. Trois d’entre elles, ont décidé de porter plainte et de se constituer parties civiles. L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, également partie civile, les accompagne dans d’autres procédures civiles toujours en cours contre Genavir. Durant le procès, ces femmes ont pris la parole tour à tour pour raconter les tentatives d’agressions, les agressions sexuelles et le harcèlement moral et sexiste à bord. (...)

En plus de la vidéo, elle découvre sur le téléphone de son supérieur, d’autres photos d’elle, toutes prises à son insu, alors qu’elle effectue différentes tâches sur le navire. Par la suite, elle ne retourne plus à la piscine, est constamment aux aguets, se sent épiée. « Le fait qu’il ait des photos de moi en maillot de bain, prises à mon insu, sur son téléphone, je me suis imaginée le pire », a-t-elle ajouté.

Accès de colère du supérieur

Dans l’enquête dirigée par le parquet, d’autres témoignages font tous mention de « regards transperçants qui déshabillent », ou encore de « sautes d’humeur », lors desquelles le commandant pouvait passer d’un ton mielleux à des cris et des violences verbales soudaines. L’une des plaignantes en a fait les frais. Elle raconte à la barre l’un des accès de colère de son supérieur.

Il lui a hurlé dessus devant tout l’équipage. Les plaignantes racontent leur malaise vis-à-vis de ce commandant et leur impression d’être constamment à sa merci (...)

L’autre prévenu, Philippe T., ancien chef mécanicien licencié de Genavir pour faute grave en 2020, formule immédiatement des excuses dès son arrivée à la barre. Il suit une thérapie depuis 2019, après s’être réveillé à l’hôpital avec quinze points de suture et un black-out. Il affirme que ses problèmes d’alcool ont été plus faciles à admettre que ses agissements envers les femmes. (...)

« S’adapter à un milieu d’hommes »

À la barre, cette ancienne navigatrice raconte les années de violences sexistes subies depuis son entrée dans l’entreprise. Quand elle tente d’en parler à sa hiérarchie, on lui rétorque qu’elle doit être « plus docile » et qu’elle doit « s’adapter à un milieu d’hommes ». Elle ajoute : « Quand j’étais encore en CDD, on m’avait dit qu’aucune femme ne passait le cap du CDI car on les dégoûte avant. »

Aujourd’hui, après des années à Genavir, cette femme ne navigue plus, comme la plupart des plaignantes présentes à l’audience. Surtout, elle est loin d’être une victime isolée de Philippe T. (...)

Consommation d’alcool

« La marine marchande est un milieu très particulier, c’est une bulle hors du temps, dans laquelle on a l’impression de retomber en adolescence. Je regrette de m’être laissé entraîner », dit le prévenu. Face à ces excuses, la procureure a toutefois tenu à spécifier : « Monsieur T. ne doit pas s’abriter derrière la désinhibition de l’alcool. Tous les hommes sous l’emprise de l’alcool ne portent pas atteinte à l’intégrité et à la dignité des femmes. »

Au fil des audiences ont été évoquées des images pornographiques présentes sur les murs et en fond d’écran d’ordinateurs, des « blagues » sexistes auxquelles les femmes « riaient jaune », la normalisation de la consommation excessive d’alcool. L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) a accompagné les victimes dès 2020. Devant le tribunal, Tiffany Coisnard, la représentante de l’association, a fait état d’une ambiance de travail propice au « harcèlement sexuel environnemental ». (...)

Celui-ci est reconnu par la jurisprudence depuis 2017. Il se définit par l’idée selon laquelle des propos ou comportements à connotation sexuelle, bien que ne visant pas directement une personne en particulier, peuvent suffire à caractériser le harcèlement sexuel dès lors qu’ils créent une situation intimidante, hostile ou offensante. (...)

Carrière terminée pour les plaignantes

Troubles du sommeil, réminiscence anxieuse, tension musculaire, irritabilité… Les plaignantes ont toute fait état de symptômes de stress post-traumatique et ont été licenciées pour incapacité de travail. À la barre, elles racontent avoir dû faire une croix sur une carrière, des études et pour certaines, un rêve d’enfant. « Tout au long de ma carrière, j’ai lutté et j’ai dénoncé l’hypervigilance qu’on devait mettre en place en tant que femmes à bord des navires. Si on est encore debout aujourd’hui, c’est pour protéger celles qui arrivent derrière », conclut l’une des plaignantes à l’issue du procès. (...)

Le tribunal doit rendre son jugement le 19 juin.