
La lutte contre l’orpaillage illégal sera au cœur de la visite d’Emmanuel Macron en Guyane, qui débute ce lundi. Si, pour certains, l’augmentation des moyens alloués à ce combat suffit à endiguer le phénomène, d’autres appellent surtout à une réelle coopération régionale en la matière. (...)
400 sites illégaux, 7 200 chercheurs d’or clandestins, 7 à 8 t extraites illégalement : le bilan 2023 de la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane est vertigineux. « Nous restons à un niveau de prédation insupportable », reconnaît Antoine Poussier, préfet.
Malgré des moyens militaires considérables mis en place dès 2008, dans le cadre de l’opération Harpie, dotée de 70 M€ par an, la France n’a pas réussi à éradiquer cette ruée vers l’or (...)
Depuis quatre décennies, la Guyane souffre de ce fléau, avec des conséquences sur l’environnement et la santé des populations exposées au mercure, employé pour agglomérer les paillettes d’or. Selon l’association de défense de l’environnement Wild Legal, à l’initiative d’un recours contre l’État pour « carences fautives », ce sont 12 t de mercure par an qui sont déversées dans la nature. (...)
L’orpaillage illégal est aussi un vecteur d’insécurité : en témoigne, la mort du major du GIGN Arnaud Blanc, tué le 25 mars 2023 en opération. Depuis, gendarmes et forces armées en Guyane, qui mènent conjointement l’opération Harpie, occupent en permanence les sites illégaux primaires (où l’on creuse puits et galeries, afin d’attaquer la roche-mère) quand ils se contentaient auparavant d’y mener des opérations ponctuelles. (...)
« On ne pourra pas avancer sans coopération avec le Suriname »
En parallèle, l’État vise les flux logistiques. Quelque 61,6 M€ de matériel (pirogues, pompes, carburant…) ont été saisis l’an passé, contre 35,7 millions en 2022. (...)
Des patrouilles conjointes entre la gendarmerie française et la police du Suriname ont ainsi débuté en janvier. (...)
Quelle collaboration avec le Brésil ?
Une collaboration similaire est attendue avec le Brésil. Emmanuel Macron doit s’y rendre après son déplacement en Guyane pour y rencontrer son homologue Lula, qui a fait de la protection de l’environnement un axe de sa diplomatie. (...)
Les leviers ne sont pas qu’environnementaux, mais aussi économiques ou sécuritaires.
« C’est le moment, car l’ensemble géopolitique régional est en mutation. La découverte de ressources pétrolières considérables au Guyana va totalement changer la vision que l’on va avoir de la région » (…).
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– (WWF)
Orpaillage illégal en Guyane
L’orpaillage en Guyane, contexte et enjeux
La Guyane possède une tradition aurifère ancienne. C’est au milieu du 19ème siècle que les premiers gisements y ont été découverts et à la structuration des pratiques illégales, De nombreuses localités actuelles (Saül, Mana, Régina, etc.) sont fortement, voire entièrement, liées à ces « grandes époques » de l’exploitation aurifère.
Depuis les années 1990, suite à des hausses importantes du cours de l’or et à la structuration des pratiques illégales, la Guyane subit de plein fouet une nouvelle ruée vers l’or. Cette ruée est caractérisée par une très forte augmentation du nombre des site d’exploitation illégale : on estime que 7 à 10 tonnes d’or sont illégalement exfiltrés de Guyane chaque année. (...)
Les impacts de l’activité minière officielle restent très importants mais certaines dispositions visent à limiter ces impacts : interdiction de l’usage du mercure depuis 2006, gestion de l’eau en circuit fermé, obligation de revégétalisation, obligation, pour chaque négociant, de renseigner un livre de police, etc.
En revanche, l’activité des orpailleurs illégaux est soumise à la seule loi du profit à court terme et provoque des dégâts colossaux sur l’environnement et la société. (...)
Les conséquences désastreuses de l’orpaillage illégal
Des rivières et des forêts condamnées par l’activité aurifère illégale : La Guyane fait partie du Plateau des Guyanes, un des plus grands massifs de forêt tropicale continu et encore relativement intact de la planète. Mais en l’espace de 30 ans, l’orpaillage incontrôlé y est devenu le premier facteur de dégradation environnementale. (...)
L’or illégal nuit gravement à la santé humaine (...)
Les répercussions sociales du conflit de l’or : L’exploitation aurifère clandestine concourt à la structuration de véritables filières d’immigration sauvages et au développement de réseaux de prostitution, de trafics (armes et drogues) et de délinquance. Les échanges de tirs et les assassinats de militaires ces dernières années viennent cruellement rappeler que dans certains secteurs, l’insécurité est réelle et le climat est tendu.
L’or illégal grève les perspectives de croissance économique et de développement durable du territoire (...)
sans compter le coût de la répression pour l’État français qui, malgré les moyens humains et financiers investis, ne parvient pas à éradiquer le phénomène.