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Les socialistes, rassureurs militants
#electionslegislatives #AssembléeNationale #NFP #socialistes
Article mis en ligne le 23 juillet 2024
dernière modification le 22 juillet 2024

Après la victoire du Nouveau Front populaire aux élections législatives, le Parti socialiste a proposé, pour Matignon, une candidature « rassurante ». Mais qui veulent-ils rassurer, exactement ?

Le 9 juillet dernier, vingt-quatre heures après la victoire surprise de la gauche unie au sein du Nouveau Front populaire (NFP) au second tour des élections législatives – où aucun camp n’a cependant de majorité absolue –, et alors que les partis composant le NFP tentaient de s’accorder sur le nom d’un candidat ou d’une candidate pour la primature : Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), considérant probablement que rien ne servait de partir à point et qu’il fallait courir, a déclaré qu’il était quant à lui « prêt à assumer » la fonction de Premier ministre.

L’eurodéputé Pierre Jouvet, numéro deux du PS, a aussitôt complété, en expliquant à l’Agence France Presse que « le seul profil qui p(ouvai)t rassurer et être Premier ministre » était bien Olivier Faure.

Mais qui s’agissait-il de « rassurer », au juste ? (...)

Le 16 juillet, en effet, le patron du PS a déclaré, sur France Inter : « La candidature de Laurence Tubiana, elle est irrécusable. Le chef de l’État ne peut pas dire “c’est farfelu, c’est n’importe quoi“, il est obligé de considérer cette candidature avec attention. »
Il sous-entendait, au passage, et sans excès d’aménité – ou de simple respect –, que la candidature d’Huguette Bello était, quant à elle, « farfelue ». Mais surtout il apportait la précision que Pierre Jouvet n’avait pas donnée dans sa déclaration du 9 juillet : lorsque les socialistes prétendent « rassurer », il s’agit, en réalité, de rassurer la droite – macroniste, en l’occurrence –, et, par extension, le patronat, dont elle est depuis toujours l’alliée naturelle. (...)

Le « tournant de la rigueur »

Ce n’est ni nouveau, ni – par conséquent – surprenant : cela dure depuis près d’un demi-siècle.

On l’a un peu oublié, mais le programme promettant de « changer la vie » des Français qui a permis au socialiste François Mitterrand d’être élu président de la République le 10 mai 1981 était d’une radicalité anticapitaliste auprès de quoi les propositions portées aujourd’hui par le NFP apparaissent comme d’aimables compositions sociales-démocrates – ce qu’elles sont, effectivement. Mais précisément : c’est cette promesse d’un changement radical, qui avait permis cette année-là la victoire de la gauche dans un pays poussé à bout par plusieurs décennies de gouvernances droitières.

Or, trois ans plus tard, les socialistes ont tout aussi radicalement trahi cette promesse, et renié l’ensemble de leurs engagements, pour négocier ce qu’ils ont appelé – fait-on plus poétique – le « tournant de la rigueur ». C’est à dire : une conversion pleine et entière au capitalisme brutal.

Et déjà : la raison avancée était qu’il convenait de rassurer – les marchés. En trahissant l’électorat de gauche.

Trois décennies plus tard, un autre socialiste a rejoué presque exactement la même partition : François Hollande, élu président de la République en 2012 après avoir trompeté que son « véritable adversaire » était « la finance » et qu’il comptait la mettre au pas, n’a eu de cesse, après son installation dans l’Élysée, de renier cette profession de foi, pour multiplier les offrandes au patronat – le moindre n’étant pas la « loi Travail », qui avait jeté dans les rues un peuple de salariés de gauche ulcéré par les trahisons à répétition de cette gauche du parjure.

Ces traîtrises répétées ont notamment eu deux effets. Côté pile : les électeurs progressistes, écoeurés par ces délaissements à répétition, se sont éloignés de la gauche, pour se réfugier dans l’absention – voire, pour certains, dont la morale était donc vacillante, dans le vote en faveur de l’extrême droite. Côté face : les socialistes, en se droitisant, se sont gagné l’estime de la presse et des médias dominants, tendanciellement conservateurs – et de plus en plus réactionnaires –, pour qui le PS représente désormais, en majesté, ce qu’ils appellent « la gauche de gouvernement ».

C’est à dire : une gauche qui rassure, parce qu’elle a fait la preuve qu’elle n’était pas vraiment de gauche – et ne semble pas vouloir revenir à ses fondamentaux. Ou, pour le dire autrement : une gauche de droite. (...)