
Une part importante des pesticides épandus dans les champs finissent par ruisseler jusqu’aux océans. Une contamination encore peu analysée, mais dont les premières études sont alarmantes pour les espèces marines.
Ultime réceptacle des contaminations terrestres, l’océan absorbe chaque année 710 tonnes de pesticides agricoles, d’après une étude publiée dans la revue Nature en 2023. Cette fraction des quelque 3 millions de tonnes de pesticides utilisés annuellement dans le monde se déverse dans la mer à la fin de son parcours fluvial, après avoir infiltré les cours d’eau.
Des dizaines de molécules qui s’accumulent (...)
Les substances identifiées sont parfois anciennes, certains pesticides pouvant perdurer des dizaines — voire des centaines — d’années dans l’environnement. Des travaux ont notamment mis en lumière la présence, sur les côtes européennes, de produits de dégradation de l’atrazine et de la simazine, des herbicides pourtant interdits dans l’Union depuis le début des années 2000. Des métabolites du DDT (un insecticide interdit en France dans les années 1970 en raison de sa grande toxicité) ont également été détectés en 2021 dans des soles et des flets des baies de Somme et de la Seine. (...)
Les conséquences de la contamination de l’océan sont « sans aucun doute sous-estimées », abonde l’écotoxicologue Alexandra Tissot, sollicitée par Reporterre. « On n’imagine pas qu’ils atteignent l’océan », dit-elle. Ils sont pourtant « absolument toxiques » pour la vie qu’il héberge.
Les quelques études déjà publiées sur le sujet ont de quoi alarmer. (...)
Une menace pour toute la chaîne alimentaire des océans (...)
Pour mieux comprendre les risques, il est urgent que la recherche se mobilise, insiste Wilfried Sanchez. Pour les limiter, une seule option : réduire l’usage de ces produits à leur source. Et de rappeler : « Si on veut réduire les pesticides en milieu marin, c’est dans les champs qu’il va falloir agir. »
Des zones interdites à la pêche à cause du chlordécone
Plus de trente ans après l’interdiction du chlordécone, les rivages martiniquais et guadeloupéens restent eux aussi pollués par cet insecticide utilisé dans les bananeraies de 1972 à 1993, classé comme cancérigène probable et perturbateur endocrinien. La contamination est telle que certaines zones sont interdites à la pêche par les pouvoirs publics.
Avec quels effets sur la vie marine ? À l’inverse du milieu terrestre, où les effets funestes des pesticides sont bien documentés — on sait notamment qu’ils sont les premiers responsables du déclin des oiseaux en Europe —, les connaissances sur le milieu marin sont pour le moment lacunaires.