
« Ce n’est pas une négociation » expliquait il y a encore quelques jours Peter Navarro, le conseiller spécial au Commerce et à l’Industrie de Donald Trump, après que le président américain a annoncé ses « tarifs réciproques ». Il entendait par là que les Etats-Unis n’étaient pas prêts à les diminuer en échange de concessions de la part des autres pays puisque ces importants droits de douane étaient là pour réparer un système commercial international défectueux et injuste, fonctionnant au détriment de la plus grande économie mondiale.
Les prohibitionnistes trumpiens – à ce niveau de droits de douane, on ne parle plus de protectionnisme mais de quasi interdiction des produits étrangers, comme dans la France du XIXe siècle – avaient juste oublié deux choses. Tout d’abord, les échanges mondiaux ne sont qu’un compartiment secondaire de la mondialisation et sont le reflet des stratégies d’implantation des multinationales. Ensuite, derrière les flux commerciaux de biens et de services, il y a des échanges financiers.
(...) Finance 1 – 0 Trump
Les mesures tarifaires de Trump représentaient un premier but marqué contre son camp et les marchés financiers le lui ont très vite fait comprendre. Le Président américain a donc suspendu la mesure pour trois mois.
Mais le locataire de la Maison-Blanche n’en a pour autant pas fini avec ses problèmes. Car il a maintenu sa prohibition des produits chinois en faisant grimper les droits de douane qui pèsent sur eux à 145 %. Or, le commerce avec la Chine – comme avec les autres pays – ne fait que refléter les choix de lieu de production des multinationales, en particulier américaines. (...)
Les géants américains de la tech ont dû faire passer le message à la Maison-Blanche en disant en substance : « Vous êtes en train de nous plomber. » C’est un deuxième but contre son camp pour l’économie américaine.
Résultat : l’annonce, le week-end dernier, de la suspension des tarifs fous contre la Chine pour les produits électroniques. Ne sont maintenus que les droits de douane initiaux de 20 % imposés à la Chine (...)
Les droits de douane se contournent
Enfin, il reste un dernier point, peu abordé dans le débat public, car chacun considère qu’il suffit d’édicter un droit de douane pour qu’il s’applique. C’est, dans la réalité, très loin d’être le cas. On sait que, face aux droits de douane que Donald Trump avait imposé à Pékin lors de son premier mandat, les exportateurs chinois ont fait passer leurs produits par le Vietnam, le Mexique, etc. C’est ce qui a conduit le président américain, dans un premier temps, à augmenter les droits de douane pour tous ses partenaires de façon à éviter ces contournements.
Mais d’autres stratégies existent pour contourner ces tariffs. (...)
Les importateurs américains sous-évaluent leurs achats pour réduire les droits de douane. Depuis le début de l’année, les opérateurs de logistique chinois y ajoutent une autre technique : seule une partie du prix du bien est facturé, le reste se retrouve sur une autre facture, par exemple de « service marketing », non touchée par les droits de douane.
Face aux décisions erratiques de Trump, on n’en a pas fini avec les questions commerciales. Mais si l’Etat américain reste le plus influent de tous les pays du monde, il doit, lui aussi, faire face à la puissance d’acteurs économiques privés qui savent se faire entendre et contribuer à écrire les règles du jeu de la mondialisation.