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Mediapart
Les associations s’indignent du risque de paupérisation des étrangers
#immigration #etrangers #discriminations
Article mis en ligne le 24 décembre 2023
dernière modification le 23 décembre 2023

Plusieurs associations de solidarité craignent que la conditionnalité des prestations sociales introduite dans la loi immigration votée le 19 décembre empêche des familles de se loger et de se nourrir.

De bon matin, au lendemain de l’adoption de la loi « immigration » dans la nuit du mardi 19 au mercredi 20 décembre 2023, la première ministre a été interrogée sur France Inter sur le fait que des parents en situation régulière devront attendre deux ans et demi avant de toucher les allocations familiales. « Je ne vais pas rentrer dans les détails », a balayé Élisabeth Borne. (...)

Les associations de lutte contre la pauvreté et le mal-logement sont, elles, unanimes contre ce texte et ses conséquences délétères. Outre le fait qu’il laisse « le champ libre à une xénophobie aujourd’hui complètement décomplexée » et instaure une forme de « préférence nationale », plusieurs associations – parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre ou la Ligue des droits de l’homme – ont dénoncé dans un communiqué commun « les principes d’égalité, de solidarité et d’humanité, qui fondent notre République, [qui] semblent ne plus être aujourd’hui une boussole légitime de l’action gouvernementale ».

Dans le détail justement, certaines dispositions choquent. Le texte prévoit, entre autres, que le versement des allocations familiales, de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ainsi que le droit au logement opposable (Dalo) soient conditionnés à un délai de cinq ans de présence en France en situation régulière pour celles et ceux qui ne travaillent pas et de trente mois pour les autres. (...)

L’accès à l’aide personnalisée au logement (APL) sera possible après cinq ans de résidence pour celles et ceux qui ne travaillent pas, et de trois mois pour les autres. Les étudiant·es sont exclu·es de cette dernière mesure.

Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde, n’a qu’un mot à la bouche : « Dramatique. » Pour elle, cette conditionnalité des prestations sociales n’aura aucun effet dissuasif, si tel est l’effet recherché. « Il ne faut pas croire que les personnes qui vivent dans une situation infernale dans leur pays vérifient avant de venir s’ils vont avoir droit à des aides. Ils partent, c’est tout. »

Sur le fond, elle craint que cette loi génère des difficultés importantes d’accès au logement (...)

Une précarisation qui risque de renforcer l’emprise des marchands de sommeil et autres propriétaires véreux de logements insalubres. (...)

Même analyse du côté du Mouvement HLM qui a publié un communiqué du même ordre le 20 décembre.

La présidente d’ATD Quart Monde rappelle en ce sens que la loi Kasbarian-Bergé, « d’une indignité incroyable » et favorisant les expulsions locatives, a déjà mis à mal des familles pauvres.

Partageant l’indignation générale, Manuel Domergue souligne également que, jusqu’alors, la perception de prestations sociales n’avait pas de lien avec l’emploi. Même si une condition de résidence de cinq ans existe déjà pour les étrangers et étrangères qui veulent obtenir le RSA ou la prime d’activité.

« Point de bascule » (...)

Au-delà de la morale, Noam Leandri rappelle l’illogisme de ces mesures. Tout le système locatif tourne actuellement autour des APL et, de ce fait, propose des loyers plus élevés. Exclure les étrangers et étrangères de cette prestation va automatiquement les renvoyer vers l’hébergement d’urgence. « Une nuit en hôtel, c’est trois fois plus cher que d’avoir accès à un logement social et de toucher des APL… Le calcul est mauvais », rappelle le président d’Alerte. (...)

Le président de ce collectif souligne encore que travailler, pour les étrangers, ne va pas de soi. Ils sont sujets à des discriminations, leur taux de chômage est deux fois plus élevé. « Pas parce qu’ils ne veulent pas travailler mais parce qu’il y a des barrières à l’entrée du marché du travail pour les étrangers. Certains ont des diplômes qui ne sont pas reconnus, d’autres ne sont pas régularisés. Et en plus, on va dire, s’ils ne travaillent pas, on ne va pas leur ouvrir les droits au modèle social. C’est complètement contradictoire… »

À la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue cite l’exemple de mères célibataires qui ne travaillent pas car elles doivent garder leurs enfants ou ne trouvent tout simplement pas d’emploi. Dans le nouveau système, elles ne pourront toucher ni allocations familiales ni aides pour le logement. « C’est un précédent terrible. La loi s’attaque vraiment aux enfants parce que, par définition, les allocations familiales leur sont destinées. » (...)

Si une personne perd son emploi, va-t-elle perdre ses APL dans la foulée ?

Le chantier administratif risque aussi de virer au casse-tête. (...)

Les associations placent désormais tous leurs espoirs dans le Conseil constitutionnel, qui, espèrent-elles, censurera ces dispositions, vectrices d’une rupture d’égalité devant la loi. (...)