
En 2015, l’Allemagne accueillait des centaines de milliers de réfugiés de Syrie, d’Afghanistan ou encore d’Irak. Dix ans plus tard, de nombreuses femmes vivant dans le pays n’ont toujours pas de travail. Plusieurs projets d’accompagnement vers l’emploi les aident à franchir les nombreux obstacles sur leur route.
(...) Les femmes réfugiées ont "un triple désavantage"
Selon une enquête lancée en 2016, après huit ans, environ 68% des personnes ayant obtenu une protection internationale en Allemagne ont trouvé un emploi.
Mais l’étude, menée entre autres par l’Institut pour la recherche sur l’emploi (IAB), montre également que le taux d’emploi des femmes est beaucoup plus faible que celui des hommes.
Après huit ans, environ deux tiers des femmes réfugiées n’ont toujours pas trouvé d’emploi. Alors que ce taux n’est que de 15% chez les hommes. "Des études montrent que les femmes réfugiées sont triplement désavantagées. Elles sont défavorisées en tant que femmes, en tant qu’immigrées et en tant que réfugiées", explique Maye Ehab, chercheuse à l’IAB. (...)
De nombreux hommes réfugiés en Allemagne sont célibataires, tandis que beaucoup de femmes sont arrivées, elles, avec de jeunes enfants. "Cela les désavantage lorsqu’il s’agit de suivre des cours d’allemand ou de bénéficier des différents services proposés par le gouvernement", observe Maye Ehab.
Les places en crèche manquent à cause de la pénurie de personnel, par exemple. Les difficultés à trouver une garde d’enfants ont également constitué un obstacle pour de nombreuses femmes ukrainiennes qui ont fui l’invasion russe de leur pays en 2022. (...)
En 2015 et 2016, la plupart des 1,2 million de demandeurs d’asile en Allemagne étaient des hommes originaires de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak. En revanche, les trois quarts des Ukrainiens réfugiés en Allemagne sont des femmes.
Une reconnaissance des qualifications difficile
Certaines réfugiées n’ont jamais travaillé dans leur pays d’origine ou ont travaillé dans des secteurs comme l’éducation ou la santé qui exigent des compétences linguistiques considérables et sont très réglementés en Allemagne, précise Maye Ehab. (...)
Par ailleurs, la reconnaissance des qualifications étrangères est notoirement difficile en Allemagne. Par exemple, Donya ne dispose d’aucun document prouvant ses nombreuses années de formation professionnelle. Or, l’expérience acquise compte peu en Allemagne lorsque l’on ne dispose pas des diplômes et qualifications certifiés. Cela oblige de nombreux réfugiés à repartir de zéro.
Cours d’intégration inadaptés (...)
Work for Refugees fonctionne selon la devise "trouver d’abord un emploi", lance Inna Gissa, une conseillère du projet. Réfugiée ukrainienne, elle a obtenu son premier emploi en Allemagne dans le restaurant d’un hôtel. "À l’époque, je ne savais compter que jusqu’à cinq en allemand et dire comment je m’appelle". C’est sa maîtrise de l’anglais qui lui a permis d’obtenir ce poste.
Pour Inna Gissa, le meilleur moyen d’apprendre une langue et de nouer des contacts était de travailler. Le projet basé à Berlin propose donc des séances de conseil gratuites, des ateliers pour rédiger un CV et aide à orienter les personnes vers des postes vacants adaptés. Work for Refugees organise par ailleurs des salons de l’emploi dans des centres d’hébergement de réfugiés.
De son côté, l’ONG Tent Deutschland organise aussi des salons de l’emploi. L’organisation dispose d’un réseau de 80 entreprises et propose des programmes spécialement adaptés aux besoins des femmes. (...)
Un accompagnement est également proposé par la ReDi School of Digital Integration, créée en 2015 et lancée à Berlin en 2016. L’école, désormais implantée dans plusieurs autres villes allemandes, propose des formations dans le numérique aux habitants, migrants et réfugiés intéressés par les nouvelles technologies. Elle offre un accès à un réseau d’entrepreneurs, d’étudiants et d’anciens élèves.
Les réfugiées conseillent d’autres réfugiées (...)
De nombreux projets ou organisations locales en Allemagne sont aujourd’hui dirigés par des femmes qui ont elle-même dû fuir leur pays, comme Afsaneh Afraze et Inna Gissa. Donya est, elle aussi, devenue bénévole pour aider d’autres à s’intégrer. Leurs propres expériences leur permettent de mieux comprendre ce que vivent les femmes réfugiées.
"Je pense qu’il est très important que nous formions une chaîne humaine", plaide Afsaneh Afraze.